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Ë96 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

plus haut point, lorsqu’il confond ensemble des actions innocentes et criminelles indépendantes les unes des autres, et les enchaîne dans une même fatalité.

Ces réflexions ramenèrent au bizarre Ilamlet et aux singularités de cette pièce. Le héros, disait-on, n’a que des sentiments il est sous l’impulsion des événements, et c’est pourquoi la pièce a quelque chose du développement romanesque ; mais, comme le destin a tracé le plan, comme la pièce naît d’un acte -terrible, et que le héros est incessamment poussé vers un acte terrible elle est tragique dans le sens le plus élevé, et ne saurait admettre qu’un dénoûment tragique.

Une première répétition allait avoir lieu, dans laquelle chaque acteur se bornait à lire son rôle. Wilheim s’en faisait une fête. II avait eu soin de collationner les rôles, atin que, de ce côté, il ne pût y avoir d’hésitation. Tous les acteurs connaissaient la pièce, et il chercha seulement, avant que l’on commençât, à leur faire sentir l’importance d’une lecture en commun. Comme on exige de tout musicien qu’il puisse, jusqu’à un certain point, jouer à première vue, tout comédien, et même tout homme bien élevé, doit s’exercer à lire à première vue, à saisir d’abord le caractère d’un drame, d’un poëme, d’un récit, pour l’exposer avec aisance. Tout apprendre par cœur ne sert de rien, si le comédien n’a pas auparavant pénétré dans l’esprit et la pensée du poëte ; la lettre ne peut produire aucun effet.

Serlo assura qu’il serait indulgent dans toute autre répétition, même dans la répétition générale, pourvu que l’épreuve de lecture fût satisfaisante. « Car d’ordinaire, disait-il, rien n’est plus ridicule que d’entendre les comédiens parler de leurs études c’est absolument comme les francs-maçons qui parlent de leurs travaux. »

La répétition réussit à souhait, et l’on peut dire que la troupe dut sa réputation et le bon accueil qu’on lui fit à ces quelques heures bien employées.

« Vous avez bien fait, mon ami, dit Serlo à Wilhelm, lorsqu’ils furent seuls d’avoir parlé si sérieusement à nos camarades, et pourtant je craignais que vous n’eussiez de la peine à réaliser vos désirs.

Pourquoi donc ?