Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/32

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pressant Marianne sur son cœur, qu’une divinité nouvelle et plus aimable m’affermirait dans ma résolution, m’accompagnerait sur ma route, comme j’aurais donné à mon poëme un tour plus agréable ! Comme la conclusion eût été plus intéressante ! Mais ce n’est pas une fiction, c’est la vérité et la vie, que je trouve dans tes bras. Livrons-nous avec délices au sentiment d’un bonheur si doux ! »

Ses vives étreintes et sa voix animée réveillèrent Marianne, qui déguisa son embarras sous ses caresses ; elle n’avait pas entendu un mot de la fin du récit. Il est à désirer que notre héros trouve à l’avenir, pour ses histoires favorites, des auditeurs plus attentifs.


Chapitre IX

C’est ainsi que Wilhelm passait les nuits dans les intimes jouissances de l’amour et les jours dans l’attente de nouvelles délices. Dès le temps où le désir et l’espérance l’avaient entraîné vers Marianne, il s’était animé comme d’une vie nouvelle ; il avait senti qu’il devenait un autre homme : maintenant il était uni avec elle ; la satisfaction de ses vœux devenait une charmante habitude ; son cœur s’efforçait d’ennoblir l’objet de sa passion ; son esprit, d’élever avec lui sa bien-aimée. Pendant la plus courte absence, il était possédé de sa pensée. Si elle lui avait été d’abord nécessaire, elle lui était maintenant indispensable, car il se voyait uni avec elle par tous les liens de l’humanité. Il sentait, dans son âme pure, qu’elle était la moitié, plus que la moitié de lui-même ; il était reconnaissant et dévoué sans réserve.

De son côté, Marianne parvint à se faire illusion quelque temps ; elle partageait l’ivresse de son amant. Ah ! si seulement