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DE WILHELM MEISTER. 331

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tant plus tous deux, qu’ils avaient toutes les raisons du monde de le cacher au vieux bourru, qui n’aurait pas entendu raillerie sur de pareils désordres. La sœur d’Elmire était dans le secret, et Serlo devait passer aux deux jeunes filles beaucoup de choses. Un de leurs plus grands défauts était une excessive friandise, et même, si l’on veut, une insupportable gloutonnerie, en quoi elles ne ressemblaient nullement à Philine, qui empruntait un nouveau charme à ce qu’elle vivait de l’air, pour ainsi dire, mangeait fort peu, et sablait seulement, avec une grâce parfaite, l’écume d’un verre de champagne.

Maintenant, lorsque Serlo voulait fêter sa belle, il lui fallait unir le déjeuner avec le dîner, qu’un goûter devait enchaîner encore avec le souper. D’ailleurs Serlo avait un plan dont l’exécution le préoccupait. Il croyait remarquer chez Wilhelm et Aurélie une affection mutuelle, et il désirait fort qu’elle pût devenir sérieuse il espérait mettre à la charge de Wilhelm toute la partie matérielle de l’administration théâtrale, et trouver en lui, comme dans son premier beau-frère, un instrument actif et fidèle. Déjà il lui avait remis insensiblement la plus grande partie des détails. Aurélie tenait la caisse, et, comme autrefois, Serlo vivait tout à fait selon ses goûts cependant il avait, ainsi que sa sœur, un chagrin secret.

Le public a une façon d’agir particulière avec les hommes d’un mérite reconnu qui se présentent devant lui. Il se refroidit par degrés a leur égard, et favorise des talents très-inférieurs, mais nouveaux ; il est avec les premiers d’une exigence outrée, et trouve tout charmant chez les autres.

Serlo et Aurélie eurent assez d’occasions d’en faire la remarque. Les nouveaux venus, surtout ceux qui avaient de la jeunesse et de la beauté, fixaient toute l’attention, attiraient tous les applaudissements, et, le plus souvent, le frère et la sœur devaient, après avoir déployé le plus grand zèle, se retirer sans être salués d’aucun battement de mains. Sans doute cela tenait aussi à des causes particulières. L’orgueil d’Aurélie sautait aux yeux, et beaucoup de gens connaissaient son dédain pour le public. Serlo flattait, il est vrai, chacun en particulier ; mais ses épigrammes sur la masse du peuple circulaient souvent et couraient de bouche en bouche. Les nouveaux acteurs,