Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/348

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J’écoutais volontiers les histoires de la Bible que ma mère me faisait connaître ; mon père m’entretenait d’histoire naturelle. Il possédait un joli cabinet il m’apportait un tiroir et puis un autre, me montrait les choses et me les expliquait exactement. Plantes sèches, insectes, préparations anatomiques, ossements, momies et autres objets de ce genre, il faisait tout passer sur le lit de la petite malade ; les oiseaux et les quadrupèdes qu’il tuait à la chasse m’étaient montrés, avant d’aller à la cuisine ; et, pour que le petit dieu du monde eût son mot à dire au milieu de tout cela, ma tante me faisait des histoires d’amour et des contes de fées. Il y avait des moments où je m’entretenais vivement avec le monde invisible ; je sais encore quelques vers, que je dictais alors à ma mère.

Je répétais souvent à mon père ce que j’avais appris de lui. Je ne prenais guère une médecine sans demander où croissaient les plantes dont elle était composée, quelle en était l’apparence, comment on les nommait. Mais les récits de ma tante n’étaient pas non plus tombés sur une roche. Je me voyais dans de beaux habits, et je rencontrais les princes tout aimables qui n’avaient ni trêve ni repos avant de savoir qui était la belle inconnue. Je poursuivis si longtemps une aventure pareille avec un ravissant petit ange, aux vêtements blancs et aux ailes dorées, qui voltigeait autour de moi, que, mon imagination s’échauffant, il me semblait le voir de mes yeux.

Au bout d’une année, je fus assez bien rétablie, mais j’avais perdu toute la vivacité de l’enfance. Je ne pouvais pas même jouer avec les poupées ; je demandais des êtres qui répondissent à mon amour. Les chiens, les chats, les oiseaux, dont mon père nourrissait une foule d’espèces, me plaisaient beaucoup, mais que n’aurais-je pas donné, pour posséder une créature qui jouait un rôle très-important dans un des contes de ma tante ! C’était un agneau, qu’une jeune paysanne avait recueilli dans le bois et qu’elle avait nourri ; mais dans cette jolie bête se cachait un prince enchanté, qui finissait par reparaître sous la figure d’un beau jeune homme, et qui récompensait sa bienfaitrice en lui donnant sa main. J’aurais fort désiré de posséder un pareil agneau. Mais, hélas ! il ne s’en trouvait point, et tout se passait autour de moi d’une manière si naturelle, que je vis peu à peu