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DE WILHELM MEISTER. 359

talents et son esprit, trouva dans notre cour un accueil trèshonorable. I ! distingua particulièrement Narcisse, et l’avait constamment auprès de lui. Ils disputèrent entre autres sur la vertu des femmes. Narcisse me répéta en détail leur entretien je ne manquai pas de lui faire mes observations, et mon ami me demanda de les mettre par écrit. Le français m’était assez familier ; j’avais fort bien appris avec mon vieux maître les principes de cette langue, dont je me servais dans ma correspondance avec Narcisse ; on ne pouvait, dans ce temps-là, se former le goût que dans les livres français. Mon écrit avait plu au comte ; je dus communiquer quelques petites poésies, que j’avais composées récemment bref, Narcisse parut franchement tirer vanité de son amante, et l’aventure se termina, à sa grande satisfaction, par une épitre fort spirituelle, en vers français, que le comte lui adressa à son départ. Il y faisait allusion it leurs paisibles débats, et finissait par le féliciter de ce qu’après tant d’erreurs et de doutes, il apprendrait, de la manière la plus sûre, ce qu’était la vertu, dans les bras d’une charmante et vertueuse épouse. Cette épitre me fut d’abord communiquée, puis elle le fut à beaucoup de monde, et chacun pensa là-dessus ce qu’il voulut. Il en fut de même en de nombreuses occasions, si bien que tous les étrangers dont il faisait cas furent présentés dans notre maison.

Un comte séjourna quelque temps avec sa famille dans notre ville, pour consulter un habile médecin. Narcisse fut aussi traité dans cette maison comme un fils il m’y conduisit. On trouvait dans cette intéressante famille un agréable entretien pour l’esprit et pour le cœur, et même les amusements ordinaires de la société semblaient moins frivoles dans cette maison que partout ailleurs. Chacun y connaissait mes rapports avec Narcisse, et l’on nous traitait comme si on les avait ignorés ; on ne faisait aucune allusion à une circonstance si grave. Si je parle, par exception, de cette nouvelle connaissance, c’est qu’elle eut de l’influence sur la suite de ma vie.

La première année de nos fiançailles était presque écoulée, et avec elle aussi notre printemps était passé. L’été vint, avec ses ardeurs et ses orages.

Des morts inattendues avaient rendu vacants quelques em