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DE W1LHELM MEISTER. 377

verbe éternel, par lequel toutes choses et nous-mcmes avons été formés. L’Éternel est venu habiter un jour dans les profondeurs s où nous sommes plongés, qu’il pénètre et qu’il embrasse ; il a parcouru par degrés toutes les phases de notre existence, depuis la conception et la naissance jusqu’à la mort ; par ce merveilleux détour, il est remonté dans les splendeurs célestes, où il nous faudrait habiter aussi pour être heureux tout cela me fut manifesté dans un obscur lointain.

Pourquoi nous faut-il, en parlant de ces choses, employer des images qui n’expriment que des rapports extérieurs ? Qu’est-ce donc pour lui que hauteur ou profondeur, ténèbres ou lumières ? Nous seuls, nous avons un haut et un bas, un jour et une nuit. Et c’est justement pour cela qu’il s’est fait semblable à nous, car autrement nous n’aurions pu communiquer avec lui.

Mais comment pouvons-nous participer à cet inestimable bienfait ? Par la foi, nous répond l’Écriture. Qu’est-ce donc que la foi ? Tenir pour vrai le récit d’un événement, en quoi cela peut-il me servir ? Il faut que je puisse m’en approprier les effets, les conséquences. Cette foi, qui s’approprie, doit être un état particulier de l’âme, un état inaccoutumé pour l’homme naturel.

« Eh bien ! Dieu tout-puissant, donne-moi la foi ! » m’écriai-je un jour, dans l’extrême angoisse de mon cœur. Je m’appuyai sur une petite table, devant laquelle j’étais assise, et je couvris de mes mains mon visage baigné de larmes. J’étais dans la situation où nous sommes rarement, et où nous devons être pour que Dieu nous exauce.

Qui pourrait décrire ce que j’éprouvai ? Un mouvement soudain entraîna mon âme vers la croix où souffrit Jésus ; un mouvement, je ne puis mieux dire, parfaitement semblable à celui par lequel notre âme est conduite vers une personne absente et chérie, rapprochement sans doute bien plus essentiel et plus vrai qu’on ne suppose. C’est ainsi que mon âme s’approcha du Dieu incarné et crucifié, et, à l’instant même, je sus ce qu’était la foi.

« C’est la foi m’écriai-je, en me levant soudain avec un mouvement de frayeur puis je cherchai à m’assurer de mes senti