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DE WILHELM ~EISTER. 405

< : Ombre de mon amie, s’écria-t-il, plane autour de moi, et, s’il est possible, donne-moi un signe que tu es satisfaite, que tu es apaisée !" »

Avec ces discours et ces pensées, il était arrivé sur le haut de la montagne, et il vit, de l’autre côté, sur le penchant, un singulicr édifice, qui lui sembla aussitôt la demeure de Lothaire. Un vieux château irrégulier, avec quelques tours et quelques pignons, en avait été la partie primitive, mais les nouvelles constructions qu’on y avait ajoutées étaient encore plus irrégulières élevées, les unes tout auprès, les autres à quelque distance, elles tenaient au bâtiment principal par des galeries et des passages couverts. Toute symétrie extérieure, tout effet architectural semblait sacrifié aux besoins et à la commodité intérieure. On ne voyait pas une trace de remparts et de fossés, et tout aussi peu de jardins d’ornement et de grandes allées. Les potagers et les vergers s’avançaient jusqu’aux bâtiments, et, dans les intervalles même, on avait établi de petits jardins à légumes. Un joli village se voyait à quelque distance ; champs et jardins paraissaient dans le meilleur état.

Wilhelm, plongé dans ses réflexions passionnées, cheminait sans faire beaucoup d’attention à ce qu’il voyait ; il laissa son cheval dans une auberge, et se rendit, non sans émotion, au château. Un vieux domestique le reçut à la porte, et l’informa, avec beaucoup de bonhomie, qu’il lui serait difficile de voir monsieur ce jour-là ; que le baron avait beaucoup de lettres à écrire et avait déjà renvoyé plusieurs de ses hommes d’affaires. Wilhelm insista ; le vieillard finit par céder et alla l’annoncer. Il revint, et conduisit Wilhelm dans une grande et vieille salle. Là, il le pria de prendre patience, parce que monsieur se ferait peut-être attendre encore quelque temps. Wilhelm, agité, marchait en long et en large, et jetait quelques regards sur les chevaliers et les nobles dames, dont les gothiques portraits étaient pendus aux murailles. Il répétait le début de son discours, qui lui parut parfaitement à sa place en présence de ces cuirasses et de ces fraises. Chaque fois qu’il entendait quelque bruit, il se mettait en posture, afin de recevoir son adversaire avec dignité, de lui présenter la lettre et de l’attaquer ensuite avec les armes du reproche.