Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/41

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nous lui donnerons des instructions pour se diriger ; nous avons divers recouvrements à faire, d’anciennes relations à renouveler, de nouvelles à former. Il peut aussi nous seconder dans l’entreprise dont je vous parlais dernièrement ; car, sans prendre sur les lieux des renseignements exacts, il y a peu de chose à faire.

— Il faut qu’il se prépare, dit le vieux Meister, et qu’il parte aussitôt que possible. Où lui trouverons-nous un cheval convenable pour ce voyage ?

— Nous ne chercherons pas bien loin. Un marchand de H., qui nous doit quelque argent, brave homme du reste, m’en a offert un en payement ; mon fils a vu ce cheval, et dit qu’il peut être d’un très-bon service.

— Wilhelm ira le chercher lui-même. En prenant la diligence, il sera de retour après-demain de bonne heure. Dans l’intervalle, on prépare son portemanteau et les lettres, et il peut se mettre en voyage au commencement de la semaine prochaine. »

Wilhelm fut appelé et on l’informa de la résolution qu’on avait prise. Quelle ne fut pas sa joie, quand il vit dans ses mains les moyens d’exécuter son projet, et que l’occasion lui était fournie, sans qu’il y fût pour rien ! Telle était sa passion, il se croyait si pleinement en droit de se soustraire à la gêne de sa première condition, pour suivre une nouvelle et plus noble carrière, que sa conscience ne s’alarmait nullement ; qu’il ne s’éveillait en lui aucune inquiétude ; qu’il se faisait même de cette feinte un devoir sacré. Il était persuadé que ses parents et sa famille approuveraient plus tard et béniraient sa conduite ; il croyait reconnaître dans ce concours de circonstances l’appel de la destinée, qui lui traçait le chemin.

Que le temps lui parut long jusqu’à la nuit, jusqu’à l’heure où il devait revoir son amante ! Retiré dans sa chambre, il méditait son plan de voyage, comme un adroit voleur ou un magicien, dans sa prison, dégage quelquefois ses pieds des étroites chaînes, pour nourrir en lui la persuasion que son évasion est possible, et même plus prochaine que ne l’imaginent ses gardiens imprévoyants.

Enfin l’heure tardive sonna ; il sortit de la maison, secoua