Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/42

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toute contrainte et parcourut les rues silencieuses. Dans la grande place, il leva les mains au ciel ; il sentait tout derrière lui et sous ses pieds ; il s’était séparé de tout. Il se voyait dans les bras de sa maîtresse, puis, à ses côtés, sur une scène éblouissante ; il se berçait d’espérances infinies, et la voix du crieur de nuit lui rappelait seule quelquefois qu’il était encore sur la terre.

Marianne vint au-devant de lui sur l’escalier. Qu’elle était belle ! Qu’elle était charmante ! Elle le reçut en négligé de mousseline blanche. Il ne croyait pas l’avoir vue encore aussi ravissante. C’est ainsi qu’elle consacrait la parure que l’absent lui avait donnée à l’heureux amant qui la pressait dans ses bras ; avec une véritable passion, elle prodiguait à son bien-aimé tout le trésor des caresses que lui inspirait la nature, que l’art lui avait enseignées ; et l’on demanderait s’il fut charmé, s’il se sentait heureux !

Il apprit à Marianne ce qui s’était passé, et lui exposa en quelques mots son plan et ses désirs. Il voulait s’assurer un engagement : après quoi il viendrait la chercher. Il espérait qu’alors elle ne lui refuserait pas sa main. La pauvre fille garda le silence ; elle cacha ses larmes, et pressa contre son cœur son ami, qui s’expliquait ce silence de la manière la plus favorable, mais qui aurait pourtant désiré une réponse, surtout lorsqu’il eut fini par lui demander, d’une voix tendre et discrète, s’il ne pouvait pas espérer d’être père. Mais elle ne répondit encore que par un soupir, un baiser.

Chapitre XII

Le lendemain, Marianne ne s’éveilla que pour sentir un nouveau chagrin. Elle se trouvait isolée ; elle ne pouvait voir le jour ; elle restait au lit et pleurait. La vieille s’assit auprès