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420 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

toutes ses souffrances, il aime passionnément la -vie, on peut expliquer ainsi l’éloignement qu’il a pour cet enfant.

Quel espoir avez-vous donc de le guérir ? demanda Wilhelm.

Les progrès sont lents répondit le docteur, mais ils sont réels. Il poursuit ses occupations réglées, et nous l’avons accoutumé à lire les gazettes, qu’il attend maintenant avec une grande impatience.

Je suis curieux de connaître ses poésies, dit Jarno. Je pourrai vous en communiquer plusieurs. L’aîné des fils du pasteur, qui est accoutumé à écrire les sermons que son père prononce, a recueilli maintes strophes, à l’insu du vieillard, et a rassemblé peu à peu plusieurs chants.

Le lendemain, Jarno vint trouver Wilhelm et lui dit « Il faut que vous nous rendiez un service. Il est nécessaire d’éloigner Lydie pour quelque temps. Sa passion violente et, je puis dire, importune est un obstacle à la guérison du baron. Sa blessure, sans être dangereuse, exige du repos et de la tranquillité. Vous avez vu comme Lydie le tourmente par son ardente sollicitude, son angoisse insurmontable et ses larmes éternelles, et. Bref, ajouta-t-il, en souriant, après une pause, le docteur ordonne expressément qu’elle sorte quelque temps de la maison. Nous lui avons fait accroire qu’une intime amie se trouve dans le voisinage, qu’elle désire la voir et l’attend d’un moment à l’autre. Elle s’est laissé persuader de se rendre chez le bailli, qui ne demeure qu’à deux lieues d’ici. Il est averti, et il regrettera sincèrement que Mlle Thérèse vienne de partir ; il fera entendre qu’on pourrait l’atteindre encore. Lydie voudra courir après elle, et vous réussirez, j’espère, à la promener d’un village dans un autre. Enfin, quand elle exigera qu’on revienne, il ne faudra pas la contredire ; vous profiterez de la nuit ; le cocher est un garçon intelligent, avec qui vous pourrez vous entendre. Vous montez en voiture avec elle ; vous tâchez de la distraire, et vous menez à bien l’aventure. Vous me donnez une commission singulière et délicate, répondit Wilhelm. Le spectacle d’un amour fidèle et trompé est toujours pénible, et l’on veut que je sois l’instrument de la trahison C’est la première fois de ma vie que j’aurai trompé quel