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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/437

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DE WILIIELM MEISTEH. 433

GOETHE.–ANK.D’APPH. gg

proviste, ma bienfaitrice la recueillit aussi. Lydie voulut me seconder et ne put se mettre à rien.

Vers ce temps-là, les parents et les futurs héritiers de ma noble amie venaient souvent chez elle, et se livraient au plaisir de la chasse. Lothaire les accompagnait quelquefois. Je remarquai bientôt comme il était supérieur à tous les autres, sans faire cependant le moindre retour sur moi-même. Il était affable avec tout le monde, et Lydie parut bientôt fixer son attention. J’étais sans cesse occupée, et me mêlais peu à la société. En présence de Lothaire, je parlais moins que de coutume et pourtant je dois convenir qu’une conversation animée fut de tout temps pour moi l’assaisonnement de la vie. J’aimais à parler avec mon père sur tous les sujets qui se présentaient. Ce qu’on n’exprime pas, on ne le conçoit pas nettement. Je n’avais jamais entendu personne avec plus de plaisir que Lothaire, lorsqu’il racontait ses voyages et ses campagnes. Il voyait devant lui le monde, d’un coup d’œil aussi sûr que je voyais les domaines dont j’avais l’administration. Ce n’étaient point les accidents bizarres d’un aventurier, les exagérations et les demi-vérités d’un voyageur à vues étroites, qui produit toujours sa personne à la place du pays dont il promet de nous faire le tableau ; il ne racontait pas, il nous conduisait sur les lieux mêmes. J’ai rarement goûté un plaisir aussi pur.

« Mais ma satisfaction fut inexprimable, un soir que je l’entendis parler des femmes. La conversation s’engagea d’une manière toute naturelle. Quelques dames du voisinage étaient venues nous voir, et avaient tenu les propos ordinaires sur l’éducation des femmes.

« On est injuste envers notre sexe, disaient-elles ; les hommes « veulent réserver pour eux toute instruction supérieure ; on « ne veut nous faire part d’aucune science ; on veut nous réK duire à n’être que des poupées ou des ménagères, x « A tout cela Lothaire répondit d’abord peu de chose ; mais, quand le cercle fut réduit, il dit ouvertement ce qu’il pensait. C’est une chose étrange dit-il, qu’on nous fasse un crime « de vouloir élever la femme à la plus haute place qu’elle soit « capable d’occuper. En est-il de plus élevée que le gouverne« ment de la maison ? Tandis que l’homme se livre avec tour