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DE WILHELM MEISTER. 453

Bien loin d’ici.

Et Félix ?

Est le fils de cette infortunée, trop aimante et trop tendre. Puissiez-vous ne jamais sentir les maux que vous nous avez faits ! Puisse le trésor que je vous livre vous rendre aussi heureux qu’il nous a rendues malheureuses »

Elle se leva pour sortir Wilhelm la retenait.

« Je ne songe pas à vous échapper, dit-elle. Souffrez que j’aille chercher un papier, qui sera pour vous un sujet de joie et de douleur. »

Elle s’éloigna ; Wilhelm regardait l’enfant avec une joie inquiète il n’osait encore le croire à lui.

« Il est à toi ! s’écria Mignon ; il est à toi ! »

En disant ces mots, elle poussait l’enfant vers les genoux de Wilhelm. La vieille revint et lui présenta une lettre.

Voici les derniers mots de Marianne, lui dit-elle.

Elle est morte !

Morte. Si je pouvais vous épargner tous les reproches ! » Surpris et troublé, Wilhelm rompit le cachet, mais il avait a peine lu les premiers mots, qu’une amère douleur le saisit il laissa tomber la lettre, se jeta sur un banc, et resta quelque temps immobile. Mignon s’empressait autour de lui. Cependant Félix avait ramassé la lettre, et il tirailla si longtemps sa petite amie, qu’elle finit par céder ; elle se mit à genoux auprès de lui et lut la lettre. Félix répétait chaque mot, et Wilhelm fut contraint de les entendre deux fois.

Si ce papier arrive jamais jusqu’à toi, pleure sur ta malheureuse amante. Ton amour lui a donné la mort. L’enfant que je laisse orphelin, au bout de quelques jours, est à toi. Je meurs fidèle, malgré toutes les apparences qui parlent contre moi. Avec toi, j’ai perdu tout ce qui m’attachait à la vie je meurs contente, puisqu’on m’assure que l’enfant est bien portant et qu’il vivra. Lcoute la vieille Barbara, pardonne-lui sois heureux et ne m’oublie pas. »

Quelle lettre douloureuse ! Encore, par une sorte de bonheur, lui sembla-t-elle d’abord à moitié énigmatique, et il n’en saisit toute la pensée qu’à une seconde lecture, que les enfants firent en bégayant et balbutiant.