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DE W1LHELM MEISTER. 455

On ne saurait apprendre trop tôt combien l’on est peu nécessaire dans le monde. Quels importants personnages ne croyons-nous pas être ! Nous croyons seuls animer le cercle dans lequel nous agissons ; nous imaginons qu’en notre absence la vie, la nourriture et la respiration vont manquer à chacun, et le vide que nous avons fait se remarque à peine il se comble aussitôt ; souvent même la place est occupée par quelque chose de meilleur, ou du moins de plus agréable.

Et les regrets de nos amis, dit Mme Mélina, n’en tiendronsnous aucun compte ?

Nos amis eux-mêmes feront sagement, s’ils prennent bientôt leur parti, et s’ils se disent « Aux lieux où tu es, où tu « séjournes, fais ce que tu peux, sois actif et serviable, et jouis gaiement de l’heure présente, »

De nouvelles explications apprirent à notre ami ce.qu’il avait soupçonné l’opéra était en pleine activité et attirait toute l’attention du public. Ses rôles étaient remplis par Laërtes et Iloratio, et tous deux étaient plus vivement applaudis que lui-même ne l’avait jamais été.

Laërtes survint et Mme Mélina s’écria

« Voyez l’homme heureux, qui sera bientôt capitaliste, et Dieu sait quoi encore »

Wilhelm l’embrassa et s’aperçut que son habit était du drap le plus fin le reste de son habillement était simple, mais de la plus belle étoffe.

Expliquez-moi cette énigme, dit Wilhelm.

Vous aurez le temps d’apprendre, lui répondit Laërtes, que mes allées et venues sont désormais payées le chef d’une grande maison de commerce tire parti de mon humeur inquiète, de mes connaissances et de mes relations, et il m’abandonne une part des bénéfices. Je donnerais beaucoup pour pouvoir gagner aussi à ce commerce de la confiance dans les femmes, car il y a dans la maison une jolie nièce, et je vois fort bien qu’il ne tiendrait qu’à moi de voir ma fortune faite.

Vous ne savez pas encore, je présume, dit Mme Mélina, qu’il s’est fait aussi parmi nous un mariage ? Serlo est l’époux légitime de la belle Elmire, le père n’ayant pas voulu souffrir leur intrigue secrète. »