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DE WILHELM MMSTER. 489

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sa chambre. 11 n avait personne à qui se confier, personne dont le secours pût lui faire éviter une démarche qu’il redoutait si fort. Le petit domestique entra, et demanda la permission de faire les paquets, parce qu’on voulait charger dès ce soir la voiture, afin de partir au point du jour. Wilhelm ne savait ce qu’il devait faire enfin il se dit

Commence d’abord par sortir de cette maison tu réfléchiras en route à ce que tu dois faire, et tu resteras en tout cas à moitié chemin ; de la tu enverras un messager, et tu é&riras à Lothaire ce que tu n’oses pas lui dire et qu’il en soit ce que le sort voudra Il

Malgré cette résolution, il passa la nuit sans fermer l’œil ; la vue de Félix, qui dormait doucement, lui donna seule quelque tranquillité.

Ah ! se disait-il, qui sait quelles nouvelles épreuves t’attendent ? Qui sait combien mes fautes passées doivent me tourmenter encore ? combien de bons et sages projets d’avenir je dois voir échouer ? Mais ce trésor, qu’enfin je possède, ô destinée exorable ou inexorable, conserve-le-moi S’il pouvait arriver que cet être, la meilleure part de moi-même, fût détruit, ce cœur arraché à mon cœur, alors adieu, raison et sagesse Adieu, sollicitude et prévoyance ! Loin de moi le goût de conserver ! Périsse tout ce qui nous distingue de la brute Et, s’il n’est pas permis de mettre à ses tristes jours une fin volontaire, qu’un prompt délire m’enlève la conscience de moi-même, avant que la mort, qui la détruit pour toujours, amène la nuit éternelle. » Wilhelm prit l’enfant dans ses bras, le baisa, le pressa contre son cœur et l’arrosa de ses larmes. L’enfant s’éveilla ; ses yeux brillants, son regard caressant, émurent le père jusqu’au fond de l’âme.

« Quelle scène pour moi, lui disait-il du cœur, si je dois te présenter à la belle et malheureuse comtesse si elle te presse contre le sein que ton père a si profondément blessé Ne doisje pas craindre qu’elle ne te repousse en gémissant, aussitôt que ton attouchement réveillera sa douleur véritable ou imaginaire ! » Le cocher ne lui laissa pas le loisir de réfléchir ou de balancer plus longtemps il fallut monter en voiture avant le jour. Wilheim enveloppa son Félix d’un manteau ; la matinée était