Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/505

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nu WILHELM MEISTER. 501

cette nature frivole. 11 y a longtemps que je ne l’ai vu. Une seule chose me tranquillise, c’est que l’abbé et les amis de mon frère savent toujours où il se trouve et ce qu’il fait. » Notre ami allait demander a Nathalie ce qu’elle pensait de ces paradoxes, et quelques éclaircissements sur la société secrète, quand le docteur entra, et, après avoir souhaité à Wilhelm la bienvenue, lui parla sur-le-champ de l’état de Mignon. Nathalie prit Félix parla main, pour le mener auprès de la pauvre enfant, qu’elle voulait préparer à revoir son ami. Le médecin, se voyant seul avec Wilhelm, poursuivit en ces termes

J’ai à vous apprendre d’étranges secrets, que vous ne soupçonnez guère. L’absence de Nathalie nous permet de parler plus librement de choses que je ne pouvais apprendre que par elle, mais dont nous ne pouvions discourir ouvertement en sa présence. Le trait principal du singulier caractère de l’aimable enfant qui nous intéresse est une ardeur profonde. Sa passion de revoir sa patrie et sa passion pour vous, mon ami, forment, pour ainsi dire, ce qu’il y a de terrestre en elle ; l’un et l’autre objet sont reculés pour elle dans un lointain sans bornes ; l’un et l’autre sont inaccessibles à cet excellent cœur. Elle paraît originaire des environs de Milan, et fut enlevée à ses parents par une troupe de saltimbanques. On ne peut en savoir d’elle davantage, parce qu’elle était trop jeune pour indiquer exactement le nom de sa famille et le lieu de sa naissance, mais surtout parce qu’elle a fait serment de ne révéler à personne au monde sa demeure et son origine. Car ces mêmes gens qui la trouvèrent égarée, et auxquels elle décrivit exactement sa demeure, avec d’instantes prières de la reconduire chez elle, n’en furent que plus pressés de l’emmener, et, la nuit, dans l’auberge, croyant que · l’enfant était endormie, ils plaisantèrent sur la bonne capture qu’ils avaient faite, affirmant que, sans doute, elle ne retrouverait pas son chemin. Alors la pauvre petite fut saisie d’un affreux désespoir, dans lequel enfin la mère de Dieu lui apparut et lui promit son assistance là-dessus elle fit serment et se promit à elle-même de ne jamais se confier à personne, de ne raconter à personne son aventure, et de vivre et mourir dans l’attente d’un secours divin. Ces détails même, que je vous rap~