Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/507

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILHELM MEISTER. 503

1 Il_J..& _n_

tude. Tantôt elle se proposait de solliciter cette grâce par ses caresses ; tantôt elle était retenue par une frayeur secrète. Enfin cette joyeuse soirée et le vin qu’elle avait bu lui donnèrent le courage de risquer cette démarche et de se glisser chez vous cette nuit-là. Déjà elle vous avait devancé pour se cacher dans la chambre, qui n’était pas fermée ; mais, lorsqu’elle eut monté l’escalier, elle entendit un léger bruit, elle se cacha et vit une femme vêtue de blanc se couler dans votre chambre. Bientôt vous arrivâtes vous-même, et elle entendit pousser le verrou. « Mignon souffrit une douleur inouïe ; toutes les fureurs d’une violente jalousie se mêlèrent aux élans inconnus de vagues désirs, et assaillirent violemment la faible adolescente. Son cœur avait battu jusque-là de désir et d’espérance ; tout à coup il s’arrêta, et pesa sur son sein comme une masse de plomb ; la respiration lui manqua elle ne savait où trouver du soulagement elle entendit la harpe du vieillard, courut dans son grenier et passa ]a nuit à ses pieds, agitée d’horribles convulsions.. » Le docteur s’arrêta un moment, et, comme Wilhelm gardait le silence, il reprit la parole

« Nathalie m’a déclaré que jamais rien ne l’avait tant effrayée et saisie que l’état de Mignon, pendant qu’elle lui faisait ce récit notre noble amie se faisait même des reproches d’avoir tiré d’elle ces aveux par ses questions insinuantes, et d’avoir cruellement renouvelé, par ces souvenirs, la vive douleur de la pauvre enfant.

« Cette bonne créature, disait Nathalie, à peine arrivée à cet endroit de son récit, ou plutôt de ses réponses à mes ques« tiens toujours plus pressantes, tomba soudain devant moi, et, la main sur le cœur, elle se plaignit de ressentir la même « douleur que dans cette affreuse nuit. Elle se roulait par terre comme un ver, et j’eus besoin de toute ma fermeté, afin de me rappeler et de mettre en usage les moyens que je connaissais, pour soulager, dans ces circonstances, et l’esprit et le corps."

Vous me plongez dans une véritable angoisse, s’écria Wilhelm, en me faisant sentir si vivement tous mes torts envers cette chère enfant, à l’instant même où je vais la revoir. S’il fauWme je la voie, pourquoi m’ôtcz-vous le courage de l’aborder