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DE WILHELM MEISTER. 51)

mée, subjuguée, et je cède volontiers à ton âme noble et belle le premier rang. C’est dans les mêmes sentiments que j’honore mon ami ; je vois, par le récit de sa vie, qu’il n’a cessé de chercher sans trouver ; mais ce n’est pas une recherche vaine, c’est une recherche admirable et naïve il imagine qu’on peut lui donner ce qui ne peut venir que de lui. Ainsi donc, ma chère, cette fois encore, ma pénétration me sert fort bien je connais mon époux mieux qu’il ne se connaît lui-même, et je l’en estime davantage. Je le vois mais je ne vois pas au delà, et toute mon intelligence ne suffit pas à pressentir ce qu’il peut faire encore. Quand je pense à lui, son image se confond toujours avec la tienne, et je ne sais comment je mérite d’avoir deux pareils amis. Mais je veux le mériter en faisant mon devoir, en accomplissant tout ce qu’on peut espérer et attendre de moi. f Tu me demandes si je pense à Lothaire ? J’y pense vivement et chaque jour. Je ne saurais me passer de lui, dans le cercle d’amis au milieu desquels je vis par la pensée. Ah que je plains cet homme excellent, qu’une erreur de jeunesse a rendu mon parent, et que la nature a voulu qui fût ton frère ! En vérité, une femme telle que toi serait plus digne de lui que moi. C’est à toi seule que je pourrais, que je devrais le céder. Eh bien soyons pour lui ce que nous pouvons être, jusqu’à ce qu’il trouve une digne épouse, et, même alors, restons, vivons unis

Mais que diront nos amis ? reprit ensuite Nathalie. Votre frère ne sait-il rien de ce mariage ? dit Wilhelm. Non, pas plus que vos parents cette fois, toute l’affaire s’est traitée entre nous autres femmes. Je ne sais de quelles rêveries Lydie a rempli la tête de Thérèse elle paraît se défier de l’abbé et de Jarno. Lydie lui a du moins inspiré quelques soupçons contre certaines liaisons et certains plans secrets, dont j’ai une connaissance générale, mais dans lesquels je n’ai jamais cherché à pénétrer, et, dans cette démarche décisive, elle n’a voulu laisser qu’a moi seule quelque influence. Elle était depuis longtemps convenue avec mon frère qu’ils s’en tiendraient à s’annoncer mutuellement leur mariage, sans se consulter à ce sujet. Nathalie écrivit alors à son frère ; elle pria Wilhelm d’ajouter