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542 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

un nom plus favorable, et peut-être en serez-vous charme. Écoutez-moi il suffit de connaître un peu les affaires du monde, pour observer que de grands changements nous menacent, et que, presque nulle part, la propriété n’est désormais bien sûre.

Je n’ai pas une idée bien claire des affaires du monde, repartit Wilhelm et c’est d’hier seulement que je m’inquiète de mes propriétés peut-être aurais-je bien fait de n’y pas songer de longtemps encore, car je vois que le souci de les conserver engendre la mélancolie.

Écoutez-moi jusqu’au bout. Il convient que l’âge mûr prenne du souci, afin que la jeunesse puisse être quelque temps insouciante. L’équilibre des actions humaines ne peut malheureusement se maintenir que par des contrastes. Il n’est rien moins que prudent aujourd’hui d’avoir toutes ses propriétés dans un même lieu, de confier tout son argent à la même place ; et, d’un autre côté, il est difficile d’étendre à plusieurs lieux sa surveillance eh conséquence nous avons formé un autre plan. De notre vieille tour sortira une société qui se répandra dans toutes les parties du monde, et à laquelle, de toutes les parties du monde, on pourra se faire agréger. Ce sera une assurance mutuelle, pour le cas seulement où une révolution politique dépouillerait complétement de ses propriétés tel ou tel des associés. Je vais passer en Amérique, pour mettre à profit les bonnes relations que notre ami a formées pendant son séjour dans ce pays. L’abbé se rendra en Russie, et, s’il vous convient de vous joindre à nous, vous aurez le choix de me suivre ou de rester près de Lothaire, pour le seconder en Allemagne. J’espère que vous prendrez le premier parti, car un grand voyage est infiniment utile à un jeune homme. Wilhelm se recueillit un moment et répondit

« L’offre mérite une sérieuse attention ; car ma devise sera bientôt « Le plus loin est le mieux. J’ Vous me ferez connaître, j’espère, votre plan avec plus de détail. Cela peut tenir à mon ignorance du monde, mais il me semble qu’une pareille association doit rencontrer des difficultés insurmontables. Dont la plupart ne pourront être levées, repartit Jarno que parce que nous sommes encore peu nombreux, honnêtes,