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574 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

visites. On déjeunait, on dînait ensemble, et l’on se serait persuadé volontiers qu’on vivait dans une agréable harmonie, tandis que les cœurs aspiraient en secret à se séparer.Thérèse avait fait des promenades à cheval, seule le plus souvent et quelquefois avec Lothaire. Elle avait fait la connaissance de tous les agriculteurs du voisinage, ainsi que de leurs femmes. C’était chez elle une maxime de vie domestique (et elle pouvait bien n’avoir pas tort), qu’il faut être avec voisins et voisines dans les meilleurs rapports et dans un échange perpétuel de bons offices. Il ne sèmblait pas qu’il fût question de mariage entre elle et Lothaire. Les deux sœurs avaient beaucoup de choses à se dire ; l’abbé paraissait chercher la société d’Augustin Jarno avait de fréquentes conférences avec le docteur ; Frédéric s’attachait à Wilhelm, et Félix était partout où il se trouvait à son gré. C’est de la sorte qu’on se réunissait le plus souvent, par couples, à la promenade, quand la société se séparait ; lorsqu’elle était rassemblée, on se hâtait de recourir à la musique, afin de réunir tout le monde en rendant chacun à lui-même.

Le comte vint à l’improviste accroître la société ; il venait chercher la comtesse, et, à ce qu’i) paraît, prendre un congé solennel de tous ses parents. Jarno courut le recevoir à sa voiture, et, le nouveau venu lui ayant demandé quelle société il trouverait, il lui répondit, dans un accès d’humeur bouffonne, qui le prenait toujours dès qu’il voyait le comte

« Vous trouverez réunie toute la noblesse du monde, marquis, rnarchesi, lords et barons il ne nous manque plus qu’un comte. »

Ils montèrent ensemble l’escalier, et Wilhelm fut la première personne qu’ils rencontrèrent dans le vestibule. Milord, lui dit en français le comte, après l’avoir considéré un moment, je ne m’attendais pas au plaisir de renouveler ici connaissance avec vous ou je me trompe fort ou je vous ai vu, à la suite du prince, dans mon château.

J’eus le bonheur de faire alors ma cour à Votre Excellence, répondit Wilhelm ; seulement vous me faites trop d’honneur en me prenant pour un Anglais de la première noblesse ; je suis Allemand et.

Un excellent jeune homme ! dit Jarno, en l’interrompant.