Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/7

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LIVRE PREMIER.


Chapitre I

Le spectacle se prolongeait ; la vieille Barbara s’approchait quelquefois de la fenêtre, pour écouter si les voitures ne commençaient pas à rouler ; elle attendait Marianne, sa belle maîtresse, qui charmait, ce soir-là, le public, dans la petite pièce, sous l’habit d’un jeune officier ; elle l’attendait avec plus d’impatience qu’à l’ordinaire, quand elle n’avait à lui servir qu’un modeste souper : cette fois, Marianne devait avoir la surprise d’un paquet, que Norberg, jeune et riche négociant, avait envoyé par la poste, pour montrer que, même dans l’éloignement, il pensait à sa bien-aimée.

Comme ancienne domestique, confidente, conseillère, médiatrice et gouvernante, Barbara était en possession de rompre les cachets, et, ce soir encore, elle avait d’autant moins pu vaincre sa curiosité, que les bonnes dispositions du généreux amant lui tenaient plus au cœur qu’à Marianne elle-même. À sa grande joie, elle avait trouvé dans le paquet une pièce de fine mousseline et des rubans du goût le plus nouveau pour sa maîtresse, et, pour elle-même, une pièce d’indienne, des mouchoirs et un petit rouleau d’argent. Avec quelle affection, quelle reconnaissance, elle se souvint de Norberg absent ! Comme elle se promit avec ardeur de le servir de son mieux, de rappeler à Marianne ce qu’elle lui devait et ce qu’il avait droit d’espérer et d’attendre de sa fidélité !

La mousseline, animée par les couleurs des rubans à demi-