Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/73

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Chapitre I

Tout homme que nous voyons poursuivre un projet avec ardeur et persévérance peut compter sur notre sympathie, soit que nous approuvions ou que nous condamnions son dessein ; mais, aussitôt que l’affaire est terminée, nous détournons de lui nos regards. Toute chose finie, accomplie, ne peut nullement fixer notre attention, surtout quand nous avons prédit, dès le commencement, la mauvaise issue de l’entreprise.

C’est pourquoi nous ne devons pas entretenir en détail nos lecteurs des souffrances et de la détresse dans lesquelles fut plongé notre malheureux ami, quand il vit ses vœux et son espoir détruits d’une manière si inattendue. Nous aimons mieux franchir quelques années et le chercher encore à l’époque où nous espérons le trouver dans une sorte d’activité et de jouissance, après que nous aurons seulement exposé en peu de mots ce qui est nécessaire pour l’ensemble de cette histoire.

La peste et la fièvre maligne exercent des ravages plus violents et plus prompts dans un corps sain et robuste, et le pauvre Wilhelm fut si soudainement accablé par son infortune, qu’en un moment tout son être en fut bouleversé. Lorsqu’un feu d’artifice s’allume par hasard, pendant les préparatifs, les cartouches, percées et remplies artistement, qui devaient, rangées et allumées selon un certain plan, dessiner dans l’air des feux changeants, d’un effet magnifique, sifflent et grondent maintenant pêle-mêle, dans un désordre dangereux : c’est ainsi que