Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/116

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pis est ! Je sais tout ce que ma mère a soufl’ert de l’incorruptibilité, de l’inébranlabilité de mon père. Enfin, et ce fut, par malheur, après la mort de sa femme, il montra une certaine indulgence ; il parut s’arranger, se réconcilier avec le monde, contre lequel il avait jusqu’alors vainement combattu.

Lucidor. Il s’arrête, fort mécontent de f’aventure, choqué de la façon fégère dont on l’a traité. Pour le badinage d’une soirée, cela pouvait passer : mais faire subir pendant des jours et des nuits à un hôte confiant une pareille mystification, c’est une chose impardonnable.

JOLIE.

Nous sommes tous coupables ; nous avons tous écouté ; mais j’en suis seule punie.

LUCIDOR.

Tous ! C’est d’autant plus inexcusable. Et comment pouviez vous, le lendemain, regarder sans confusion celui que vous aviez joué,’ pendant la nuit, d’une manière si coupable et si offensante ? Mais je vois maintenant, d’un coup d’œil, que tous vos arrangements du jour étaient pris pour vous moquer de moi. L’honorable famille ! Où donc est cet amour de la justice qui distingue votre père ? Et Lucinde !

JULIE.

Et Lucinde !… Quel ton vous prenez là ! Vous voulez dire, n’est-ce pas, combien il vous en coûte dejuger Lucinde défavorablement, de mettre Lucinde dans la même catégorie que nous autres ?

LUCIDOR.

Je ne puis comprendre Lucinde.

JULIE.

Vous voulez dire qu’il est incompréhensible que cette âme noble et pure, cette nature calme et recueillie, la bonté, la bienveillance même, cette femme modèle, se ligue avec une société frivole, une sœur étourdie, un jeune espiègle et certaines personnes mystérieuses.

LUCIDOR.

Oui certes, c’est incompréhensible.

JULIE.

Eh bien, il vous faut le comprendre ! Lucinde avait les mains