Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/137

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« fait naturel, mais pourtant désagréable. Notre vieux maître « ne peut souffrir qu’une affaire semble terminée et qu’elle ne « le soit pas. Il en est souvent ainsi, et c’est nous qui payons « la folle enchère. Quant à la sévérité avec laquelle les dettes « arriérées doivent être exigées, il s’est fait à lui-même une « règle ; il l’observe constamment, et l’on ne saurait l’amener à « l’indulgence. Ne l’essayez pas, je vous en prie : c’est tout à * fait inutile. »

« Je n’osais plus insister : cependant je ne me décourageai pas tout à fait ; je sollicitai l’homme d’affaires, puisque l’exécution dépendait de lui, d’agir avec douceur et humanité. Il promit tout, selon l’usage de ses pareils, pour être laissé en repos. Il s’était délivré de moi ; je fus toujours plus assiégé, plus distrait ; je montai en voiture, et laissai derrière moi tout ce qui pouvait m’intéresser au château.

« Une vive impression est comme toute blessure : on ne la sent pas au moment qu’on la reçoit ; c’est plus tard seulement qu’elle commence à faire souffrir et à s’envenimer. Voilà ce qui m’arriva pour l’aventure du parc. Chaque fois que j’étais seul, chaque fois que j’étais inoccupé, je voyais devant mes yeux cette figure de la jeune fille suppliante, avec tous les objets d’alentour, les arbres, les buissons, la place où elle s’était mise à genoux, le chemin que j’avais pris pour m’éloigner d’elle : je voyais tout cela avec une vivacité toujours nouvelle ; c’était une impression ineffaçable, qui pouvait bien être’ obscurcie, voilée par d’autres images et d’autres intérêts, mais qui ne pouvait être détruite ; elle reparaissait constamment aux heures de silence ; je sentais de jour en jour plus douloureusement la faute que j’avais commise contre mes principes et mes habitudes, sinon expressément, du moins par mes hésitations, m’étant trouvé embarrassé en pareil cas pour la première fois.

« Je ne manquai pas de demander, dans mes premières lettres, à notre homme d’affaires, où la chose en était. Il me faisait des réponses dilatoires, puis il omettait de répondre sur ce point ; puis ses paroles furent ambiguës ; enfin il garda un silence complet. Je m’éloignai toujours plus ; de nouveaux objets s’interposèrent entre moi et ma patrie ; des observations, des intérêts divers, me préoccupèrent ; l’image s’évanouit ; j’oubliai la