Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

appropriés à chaque travail, et toujours les mêmes, quand les circonstances étaient pareilles. Si plusieurs enfants se trouvaient rassemblés, ils s’accompagnaient tour à tour ; vers le soir, ils rencontrèrent aussi des danseurs, dont les pas étaient animés et réglés par des chœurs ; Félix, qui était remonté à cheval, unit sa voix à celles des enfants, et ce ne fut pas sans succès. Wilhelm prit plaisir à cette récréation qui animait la contrée.

» Apparemment, dit-il à l’inspecteur, on donne beaucoup de soins à cet enseignement : sans cela ce talent ne pourrait être aussi remarquablement développé et aussi répandu.

— Assurément : répondit-il, chez nous le chant est le premier degré de la culture morale ; tout le reste s’y rattache et en est facilité. La plus simple jouissance, comme le plus simple enseignement, sont animés et inculqués chez nous par le chant ; même ce que nous enseignons de religion et de morale, nous le communiquons par la voie du chant. D’autres avantages s’y joignent aussitôt, pour produire des résultats indépendants ; en effet, quand nous formons les enfants à noter sur un tableau les sons qu’ils émettent, et à les reproduire d’après les signes tracés par eux, à y joindre le texte, qu’ils écrivent au-dessous, ils exercent à la fois la main, l’œil et l’oreille, et ils acquièrent, plus vite que l’on ne croirait, une bonne et belle écriture ; et, comme tout cela se fait et se répète et se copie en mesure, selon des temps exactement déterminés, ils comprennent, beaucoup plus vite que de toute autre manière, la grande importance de la géométrie et du calcul. Voilà pourquoi nous avons choisi la musique, entre toutes choses, pour le principe de l’éducation, car elle mène à tout le reste par des chemins faciles. »

Wilhelm cherchait de nouveaux éclaircissements, et ne cacha point sa surprise de n’entendre aucune musique instrumentale.

« Nous ne la négligeons point, répondit l’inspecteur ; mais elle est confinée et pratiquée dans un canton particulier, qui forme le plus agréable vallon de montagne, et l’on a même pris soin d’enseigner les divers instruments dans des lieux séparés. Nous veillons surtout à reléguer les dissonances des commençants dans certaines solitudes, où elles ne peuvent réduire personne au désespoir : car vous avouerez vous-même qu’il n’est guère de supplice plus cruel à souffrir, dans une société civile