Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/159

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tés est notre devoir. Souvent elles se développent mieux par elles-mêmes : mais il est un sentiment que l’homme n’apporte pas en venant au monde, et, néanmoins, c’est celui qui est essentiel pour que l’homme soit homme à tous égards. Pouvez-vous deviner vous-même quel est ce sentiment ? »

Wilhelm réfléchit un moment et fit un signe négatif.

Avec une modeste retenue, les chefs lui dirent : « Le_respect. »

Wilhelm fit un geste d’étonnement.

f Le respect, répétèrent-ils : il manque à tout le monde, et peut-être à vous-même. Vous avez vu trois sortes de gestes, et nous enseignons trois sortes de respect, qui doivent être réunies et former un ensemble, pour atteindre à leur force et à leur effet suprême. La première est le respect de ce qui est au-dessus de nous. Ce geste, que vous avez vu, les bras croisés sur la poitrine, un joyeux regard dirigé vers le ciel, est l’attitude que nous prescrivons aux jeunes enfants, et par là nous leur demandons en même temps de témoigner qu’il est là-haut un Dieu, qui se reflète et se manifeste dans les parents, les instituteurs et les supérieurs. La deuxième espèce est le respect de ce qui est placé au-dessous de nous. Les mains jointes et comme liées derrière le dos, les yeux baissés et souriants, disent que l’on doit jeter sur la terre un regard serein. La terre fournit la nourriture ; elle procure des jouissances infinies, mais aussi d’immenses douleurs. Qu’un homme se fasse, par sa faute ou innocemment, quelque mal corporel ; que d’autres hommes le blessent, à dessein ou par hasard ; qu’une chose enfin dépourvue de volonté lui cause quelque souffrance, il doit y prendre garde, car les mêmes dangers l’accompagnent toute sa vie. Mais nous délivrons, le plus tôt possible, notre élève de cette position, dès que nous sommes persuadés que cette deuxième leçon a exercé sur lui une action suffisante ; nous l’exhortons alors à prendre du courage, à se tourner vers ses camarades et à s’unir avec eux. Alors il se tient debout, ferme et hardi, non pas en s’isolant avec égoïsme : c’est seulement en société avec ses égaux qu’il fait face au monde. Nous ne saurions ajouter rien à ces explications.

— Je suis éclairé, répondit Wilhelm. Si la multitude est plongée dans un si fâcheux état, c’est qu’elle se plaît dans l’élément