Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/178

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cherches. Il suffira de te dire, et je n’exagère point, que je porte toujours avec moi un coffret de toilette, un coffret sans prix, dont j’essayerais volontiers sur toi les effets, si nous passions seulement quinze jours ensemble. »

L’idée qu’une chose pareille fût possible, et qu’elle fût mise par hasard à sa portée au bon moment, fit sur le major une impression si agréable, qu’il en parut déjà plus frais et plus joyeux ; animé par l’espérance de mettre en harmonie avec son cœur sa tête et son visage, excité par l’impatience d’apprendre à connaître ces secrets, il parut à table un tout autre homme ; il répondit avec confiance aux gracieuses attentions d’Hilarie, et porta ses regards sur elle avec une certaine assurance, qui, dans la matinée, lui était encore bien étrangère.

L’arliste avait su entretenir, animer, augmenter, cette bonne humeur par ses souvenirs, ses récits et ses bons mots ; mais le major prit l’alarme, quand le voyageur, en sortant de table, parut se disposer à poursuivre sa route. Il fit tous ses efforts pour lui faciliter une halte au château, du moins pour cette nuit, en lui promettant des chevaux de relais pour le lendemain. Il ne fallait pas laisser sortir de la maison la salutaire toilette, avant que l’on sût parfaitement ce qu’elle contenait et la manière de s’en servir.

Le major voyait bien qu’il n’y avait pas de temps à perdre, et, d’abord après diner, il prit à part son ancien ami. Comme il n’osait pas aborder directement le sujet, il y revint par un détour, et, rappelant leur première conversation, il assura que, pour lui, il prendrait volontiers plus de soin de son extérieur, si les gens n’accusaient pas de vanité tout homme chez lequel ils remarquaient cette attention, et si son caractère ne perdait pas aussitôt dans leur estime, à mesure qu’ils se sentaient obligés de trouver sa personne plus agréable.

  • Laisse-moi ces discours importuns, répliqua le comédien : ce sont des propos auxquels la société s’est accoutumée, sans y attacher aucun sens, ou, si l’on veut les juger plus sévèrement, ils ne sont que l’expression de la malignité et de la malveillance. A considérer la chose exactement, qu’est-ce donc que l’on voudrait souvent décrier sous le nom de vanité ? Tout homme doit prendre plaisir à lui-même. Heureux qui jouit de cet avantage !