Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/247

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la grande féte du marché. Là régnait un incroyable tumulte, et l’on ne pouvait distinguer qui, des chevaux ou des acheteurs, soulevait le plus de poussière. Là se rassemblaient, de tout pays, des chalands désireux d’acheter des sujets de noble race et soigneusement dressés. On croyait entendre toutes les langues de la terre. Il s’y mêlait le son des instruments à vent les plus énergiques ; partout le mouvement, la force et la vie.

Notre voyageur rencontra le surveillant, son ancienne connaissance. Il était avec d’autres hommes forts et robustes, qui, sans bruit et comme inaperçus, savaient maintenir l’ordre et la discipline. Wilhelm, croyant remarquer ici un nouvel exemple d’une occupation exclusive, et, à côté de vues larges, une direction bornée, désira savoir à quoi l’on exerçait encore les élèves, pour empêcher qu’avec une occupation si sauvage et, en quelque façon, grossière, élevant et nourrissant des animaux, le jeune homme ne devînt lui-même un véritable sauvage. Il fut donc charmé d’apprendre qu’à ces occupations, qui avaient un air de rudesse et de violence, on associait justement l’étude la plus délicate, savoir l’exercice et la culture des langues.

A ce moment, Wilhelm ne vit plus Félix à son côté : il l’aperçut à travers la foule, vivement occupé à marchander et acheter quelques bagatelles d’un jeune colporteur. Bientôt après, il ne le vit plus. Le surveillant lui demanda la cause de son inquiétude et de sa distraction, et, apprenant qu’il cherchait son fils :

« Laissez-le faire, dit-il au père, pour le tranquilliser : il n’est pas perdu, et, pour vous faire voir comme nous maintenons nos élèves…. »

A ces mots, il souffla vivement dans un petit sifflet suspendu à sa ceinture Aussitôt des sifflets répondirent par douzaines des divers côtés. Le surveillant poursuivit :

« Je m’en tiens là pour le moment : ce n’est qu’un signal, pour annoncer que l’inspecteur est dans le voisinage, et qu’il veut savoir à peu près combien d’élèves l’entendent.’A- un secondsignal, ils gardent le silence, mais ils se préparent ; au troisième, ils répondent et ils accourent. Au reste, ces signaux sont très-variés et d’une utilité particulière. »

Les rangs s’étaient tout à coup éclaircis autour d’eux ; ils purent discourir plus librement, en dirigeant leur promenade