Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/254

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trice du talent voué à l’un ou à l’autre de ces arts. Le poète et l’artiste puisent à la même source, et chacun cherche à diriger l’eau de son côté et pour son avantage, afin d’atteindre, selon l’exigence, des buts particuliers : ce qui lui réussit beaucoup mieux, que s’il essayait de reproduire ce qui est déjà produit.»

Le voyageur eut lui-même l’occasion de voir comment les choses se passaient. Plusieurs peintres travaillaient dans une salle ; un jeune ami, d’une vive intelligence, leur racontait, en grand détail, une histoire toute simple, en sorte qu’il employait presque autant de mots que les artistes de coups de pinceau, pour donner lui-même à son œuvre la forme la plus achevée.

Le surveillant assura que les amis trouvaient beaucoup de charme à cette récréation, tandis qu’ils travaillaient ensemble, et qu’elle avait souvent développé des improvisateurs, qui savaient inspirer un grand enthousiasme pour l’une et l’autre forme d’imitation.

Wilhelm en revint aux arts plastiques, pour demander de nouvelles explications.

« Vous n’avez point d’exposifions, dit-il, et par conséquent point de concours ni de prix ?

— Non pas précisément, mais nous pourrons vous faire voir ici près ce que nous jugeons plus utile. »

Ils entrèrent dans une grande salle, heureusement éclairée par en haut. Ils virent d’abord de nombreux artistes, rangés en cercle et travaillant ; du milieu d’eux s’élevait un groupe colossal, favorablement exposé. Des figures énergiques d’hommes et de femmes, dans des attitudes violentes, rappelaient le magnifique combat des jeunes héros et des Amazones, où la haine et l’hostilité finissent par faire place, des deux parts, à une affectueuse assistance. Cet ouvrage, où tant de formes s’entrelaçaient admirablement, se présentait de chaque côté d’une manière également avantageuse. Les artistes, assis ou debout, formaient alentour un vaste cercle, chacun occupé à sa manière, le peintre, à son chevalet, le dessinateur, devant sa planche ; quelques-uns modelaient en plein, quelques-uns en bas-relief ; des architectes même faisaient le projet du piédestal sur lequel ce bel ouvrage devait être érigé plus tard. Chaque artiste suivait ses inspirations dans sa copie : les peintres et les dessinateurs