Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/266

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dans nos domaines ; j’examine ses petites marchandises, jusqu’aux moindres bagatelles, dont personne n’a besoin et que tout le monde achète, par une fantaisie enfantine de posséder et de dissiper. Le jeune garçon semble m’observer attentivement. De beaux yeux noirs, un peu fripons, des sourcils bien dessinés, une abondante chevelure bouclée, deux rangées de dents éblouissantes, enfin, vous m’entendez, quelque chose d’oriental.

Il me fait diverses questions sur les personnes de la famille, auxquelles il voudrait offrir quelque chose ; par divers détours, il sait m’amener à lui dire mon nom.

« Hersilie ! dit-il modestement : Hersilie me pardonnera-t-elle si je lui fais un message ? »

Je le regarde avec étonnement : il tire de sa poche une toute petite ardoise, encadrée de blanc, comme on les fabrique dans la montagne, pour exercer les commençants à écrire ; je la prends, j’y vois quelque chose d’écrit, et je lis cette inscription, nettement gravée avec le burin :

Félix Aime Hersilie. L’écuyer viendra bientôt.

Je suis saisie, je me sens toute surprise, devant l’objet que je tiens dans ma main, que je vois de mes yeux, et surtout je m’étonne devoir le hasard se montrer presque plus bizarre que moi-même. « Qu’est-ce que cela signifie ? » me dis-je. Et le petit fripon m’est présent plus que jamais ! Il me semble même que son image s’est fixée dans mes yeux.

Je questionne le colporteur et n’obtiens que des réponses singulières, obscures ; je le presse et n’apprends rien ; je réfléchis et ne puis rassembler mes pensées. Enfin je devine, en rapprochant ses divers propos, qu’il a parcouru la province des Instituteurs, qu’il a gagné la confiance de mon jeune adorateur, lequel a gravé l’inscription sur la tablette achetée, et lui a promis, pour un petit mot de réponse, une belle récompense. Alors il m’a présenté une tablette pareille, dont il se trouvait