Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/273

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nous être habillés à la hâte, nous étions encore l’un pour l’autre comme en état de nudité, nos âmes s’attirèrent, et, avec des baisers de flamme, nous nous jurâmes une éternelle amitié.

Puis nous courûmes vite, vite, à la maison, et nous arrivâmes au moment où la société se mettait en marche, par le plus agréable sentier, à travers les bosquets et les bois, pour se rendre à une lieue et demie de là, chez le bailli. Mon ami m’accompagna ; nous paraissions déjà inséparables ; mais, lorsqu’étant à moitié chemin, je demandai la permission de le mener avec nous chez le bailli, la femme du pasteur s’y opposa, en faisant doucement observer que ce n’était pas convenable. Cependant elle recommanda au jeune garçon de dire à son père, aussitôt qu’il serait rentré à la maison, de lui préparer sans faute, pour le soir, un panier de belles écrevisses, qu’elle voulait donner à ses hôtes, comme une rareté, pour les emporter à la ville. L’enfant nous quitta, après m’avoir promis, en me donnant sa parole et me touchant la main, qu’il m’attendrait, le soir, à ce même endroit de la forêt.

La société arriva bientôt chez le bailli, où nous trouvâmes encore une demeure champêtre, mais d’un genre plus relevé. Un diner, que l’excessive agitation de la ménagère fit un peu attendre, ne me causa aucune impatience : car la promenade dans un jardin d’agrément, bien entretenu, où me conduisit la fille du bailli, un peu plus jeune que moi, me fut extrêmement agréable. Toute sorte de fleurs printanières remplissaient des plates-bandes élégamment dessinées ou formaient d’élégantes bordures. Ma compagne était blonde, douce et belle ; nous allions ensemble familièrement, en nous tenant par la main, et paraissant ne souhaiter rien de mieux. Nous passâmes devant des planches de tulipes, des rangées de narcisses et de jonquilles ; elle me fit remarquer quelques places, où les plus magnifiques jacinthes étaient déjà défleuries. Mais on avait aussi songé aux autres saisons : déjà verdoyaient les touffes d’anémones et de renoncules ; les soins prodigués à de nombreux pieds d’œillets promettaient la plus variée et la plus riche floraison ; près de là, des lis, mêlés avec goût parmi les roses, se couvraient déjà de mille boutons ; et plus d’un berceau promettait de déployer