Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/293

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un jeune garçon n’a pas rôdé dans notre voisinage, n’a pas fait toutes sortes de tours, et fini par perdre sa jaquette dans une entreprise téméraire.

Tel que ce vaurien nous était décrit, nous ne doutâmes point que ce ne fût le Fitz, dont votre Félix avait tant de choses à raconter, et qu’il regrettait si souvent comme camarade.

Le juge étranger nous demandait ce vêtement, s-’il existait encore, parce que le jeune garçon, contre lequel une enquête était ouverte, invoquait cette pièce en sa faveur. Notre bailli nous parla incidemment de cette requête, et nous montra la jaquette avant de l’envoyer.

Un bon ou mauvais génie me pousse à fouiller la poche de devant ; un petit objet anguleux se trouve sous ma main ; moi, qui suis d’ordinaire si peureuse, chatouilleuse et poltronne, je ferme la main, je la ferme, je me tais, et l’on expédie la jaquette. Aussitôt je suis saisie du sentiment le plus bizarre du monde. Au premier coup d’ceil, jeté à la dérobée, je devine que c’est la clef de votre cassette. Alors ma conscience me fait de singuliers reproches ; divers scrupules me viennent : déclarer ma trouvaille, la livrer, m’était impossible. Qu’importe à ces juges une chose qui peut être si utile à notre ami ? Le droit et le devoir voulurent encore me représenter bien des choses, mais sans pouvoir triompher de moi.

Voyez maintenant dans quelle situation me jette l’amitié ! Une merveilleuse faculté se développe soudain pour l’amour de vous. Quel étrange événement ! Pourvu qu’il n’y ait pas quelque chose de plus que l’amitié dans ce qui fait ainsi contrepoids à ma conscience. Je suis dans une singulière inquiétude, entre ma faute et ma curiosité. Je me crée mille fantômes sur tout ce qui pourrait résulter de mon action. 11 ne faut pas plaisanter avec la justice. Hersilie, cette fille naïve, quelquefois même étourdie, impliquée dans un procès criminel !… Car c’est ainsi que la chose finira…. Et que me reste-t-il à faire, que de penser à l’ami en faveur duquel je souffre tout cela ? Autrefois je pensais à vous, mais avec des intervalles ; maintenant j’y songe sans cesse ; maintenant, quand le cœur me bat, et que je pense au septième commandement, je me tourne vers vous, comme vers le saint qui a fait commettre la faute, et qui peut