Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/335

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avons été ! Serait-il possible d’êire plus heureux ? Ne te gêne pas : je te promets de porter la cassette avec plus de soin que jamais. Comment la chose la plus mignonne que j’aie vue de ma vie ferait-elle sur moi une fâcheuse impression ? Que les amants seraient heureux, s’ils pouvaient posséder de pareils portraits en miniature ! Et puis enfin, cette figurine n’est qu’un petit escamotage. Tu m’éprouves et me lutines, mais tu verras comme je saurai me tenir !

— La chose est plus sérieuse que tu ne penses, dit la belle ; cependant je suis charmée que tu la prennes légèrement, car elle peut avoir pour tous deux la suite la plus heureuse. Je veux me fier à toi, et faire de mon côté tout mon possible. Prometsmoi seulement de ne jamais me reprocher cette découverte. J’ajoute encore une instante prière : garde-toi plus que jamais de la colère et du vin. »

Je promis ce qu’elle voulut ; j’aurais promis tout au monde ; mais elle changea elle-même de conversation, et tout rentra dans l’ornière accoutumée. Nous n’avions pas de raisons pour changer de séjour : la ville était grande, la société variée, la saison invitait aux parties de campagne et aux fêtes dans les jardins.

Dans tous ces divertissements, ma femme était très-bien accueillie ; les hommes et les dames la recherchaient avec empressement ; ses manières douces et insinuantes, mêlées d’une cer~ taine dignité, la faisaient aimer et respecter de chacun. D’aili leurs elle jouait à merveille du luth, dont elle accompagnait son chant, et son talent était le digne couronnement de toutes les soirées de fête.

Je dois avouer que je n’ai jamais su beaucoup aimer la musique ; elle produisait plutôt sur moi une impression désagréable. Ma femme s’en était bientôt aperçue, et, quand nous étions seuls, elle ne cherchait jamais à m’offrir ce divertissement ; mais elle semblait se dédommager dans le monde, où son talent trouvait d’ordinaire une foule d’admirateurs.

Et pourquoi le nier ? Notre dernière conférence, malgré toute ma bonne volonté, n’avait pu me satisfaire entièrement ; au contraire, mon humeur s’éfait singulièrement altérée, sans que je m’en fusse parfaitement rendu compte. Un soir, dans une nom-