Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/345

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Je découvris en effet heureusement une fente de rocher, où je m’enfonçai et me cachai de mon mieux. Je tâchai d’abord d’ôter de mon doigt le malheureux anneau, mais je ne pus y parvenir ; je sentais au contraire qu’il me serrait toujours davantage, dès que j’essayais de le retirer, et je souffrais de violentes douleurs, qui cessaient aussitôt que je renonçais à mon dessein.

Je m’éveillai de grand matin ( car ma petite personne avait très-bien dormi), et je songeais à m’en aller plus loin, lorsqu’il commença de tomber sur moi comme une pluie…. En effet il tombait en abondance comme du sable et du gravier à travers le gazon, les feuilles et les fleurs. Mais combien je fus effrayé, quand je vis tout cela remuer autour de moi, et qu’une armée innombrable de fourmis fondit sur ma personne ! A peine m’avaient-elles aperçu, qu’elles m’avaient assailli de tous côtés, et, quoique je me défendisse avec assez de vigueur et de courage, elles finirent par me couvrir, me pincer et me tourmenter, au point que je fus très-heureux d’entendre que l’on me criait de me rendre prisonnier. Je me rendis en effet et sans tarder, sur quoi une fourmi, d’une taille considérable, s’approcha de moi avec politesse, je puis dire avec respect, et se recommanda même à mes bonnes grâces. J’appris que les fourmis étaient devenues les alliées de mon beau-père, qu’il les avait appelées à son secours dans la conjoncture présente, et chargées de me ramener chez lui. Et maintenant, petite créature. j’étais dans les mains de plus petits que moi. Je voyais devant moi le mariage, et je devais bénir le ciel, si mon beau-père n’était pas furieux contre moi, si ma belle amie n’avait pas pris de l’humeur.

Permettez-moi de passer sous silence toutes les cerémonies. Pour tout dire, nous étions mariés. Mais, si joyeux et si gai que l’on fût au logis, il se trouvait néanmoins de ces heures solitaires, dans lesquelles on se laisse entraîner aux réflexions, et il m’arriva ce qui ne m’était jamais arrivé…. Quoi donc et comment ?… C’est ce qu’il faut vous apprendre.

Tout ce qui m’environnait était parfaitement assorti à ma taille actuelle et à mes besoins ; les bouteilles et les verres bien proportionnés à un petit buveur ; peut-être même la mesure