Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/360

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quand nous voyons des hommes d’État considérables quitter, quoique à regret, leurs postes éminents, nous avons sujet de les plaindre, parce que nous ne pouvons voir en eux ni des émigrants, ni des voyageurs. Ils ne sont pas émigrants, parce qu’ils perdent une position digne d’envie, sans voir s’ouvrir, même en apparence, la perspective d’un meilleur état ; ils ne sont pas voyageurs, parce qu’il leur est rarement donné d’être, d’une manière quelconque, utiles en d’autres lieux.

« Cependant le soldat est appelé à une vie errante d’un genre particulier. Même pendant la paix, on lui assigne tantôt un poste, tantôt un autre ; il doit se tenir sans cesse en activité, afin de combattre auprès ou au loin pour la patrie, et ce n’est pas seulement pour le salut immédiat, c’est aussi pour les desseins des peuples et des souverains, qu’il porte ses pas dans toutes les parties du monde. Il n’est donné qu’à un petit nombre de s’établir en quelque lieu.

« La valeur est envisagée comme la première qualité du soldat,’ mais on suppose que la fidélité l’accompagne toujours : c’est pourquoi nous voyons certains peuples, célèbres par leur loyauté, appelés hors de leur patrie pour servir de gardes à des souverains ecclésiastiques et séculiers.

« Nous trouvons encore une classe très-mobile, une classe indispensable à l’État, dans ces hommes d’affaires, qui, envoyés de cour en cour, assiégent les princes et les ministres, et enlacent de fils invisibles toute la terre habitée. Aucun d’eux ne peut non plus compter un moment qu’il restera à la place où il se trouve : en paix, on envoie les plus habiles d’un pays dans un autre ; en guerre, ils marchent à la suite de l’armée victorieuse ; ils ouvrent les chemins à l’armée fugitive ; ils sont toujours prêts à quitter un lieu pour un autre : c’est pourquoi ils portent toujours dans leur bagage une grande provision de cartes d’adieu.

« Nous avons su jusqu’à présent nous faire honneur à chaque pas, en réclamant, comme nos compagnons et comme associés à notre sort, l’élite des hommes actifs : pour conclure, mes chers amis, la plus haute faveur vous est réservée, car vous allez vous trouver les confrères des empereurs, des rois et des princes. Rappelons-nous d’abord, avec bénédiction, ce noble et