Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/411

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noux, puis sur ses pieds, et regarda sa bienfaitrice avec une joie pure :

« Qu’est-ce que j’éprouve ? s’écria-t-elle. Que se passe-t-il en moi ? Le pesant, l’insupportable .fardeau qui m’ôtait, sinon tout sentiment, du moins toute réflexion, est enlevé tout à coup de dessus ma tête ; je puis lever les yeux librement, diriger mes pensées vers le ciel, et (ajouta-t-elle avec un profond soupir) je crois que mon cœur veut les suivre. »

A ce moment, la porte s’ouvrit et Montan parut, comme il arrive souvent que la personne attendue survient tout à coup à l’improviste. Lydie court vivement à lui, l’embrasse avec joie, et dit, en le conduisant à Macarie :

« Apprenez ce que vous devez à cette femme divine, et prosternez-vous avec moi pour lui rendre grâces. »

Montan, saisi de surprise et un peu-embarrassé, contre sa coutume, dit, en saluant la vénérable dame avec dignité :

« Je lui dois beaucoup, ce me semble, car c’est toi-même que je lui devrai. C’est la première fois que tu viens à ma rencontre avec amour et franchise ; c’est la première fois que tu me presses sur ton cœur, quoique je l’aie mérité depuis longtemps. »

C’est le moment d’apprendre en confidence à nos lecteurs que Lydie, dès sa première jeunesse, lui avait inspiré de l’amour ; que Lotbaire, plus séduisant, l’avait captivée, mais que Montan, resté fidèle à son ami et à Lydie, avait fini par l’épouser, ce qui pourra surprendre nos lecteurs.

Ces trois personnes, qui ne pouvaient se sentir à leur aise dans la société européenne, avaient de la peine à modérer l’expression de leur joie, quand elles parlaient du sort qui les attendait en Amérique. Déjà Philine agitait ses ciseaux, car on songeait à se réserver le monopole de la confection des habits pour ces nouvelles colonies. Elle décrivait d’une manière fort agréable les grands magasins de toile et de drap, et coupait dans l’air, voyant déjà devant ses yeux, disait-elle, la récolte prête pour la faucille.

Lydie, de son coté, chez qui l’heureuse bénédiction de Macarie avait enfin réveillé les sentiments affectueux, voyait déjà, en esprit, ses élèves se multiplier par centaines, et tout un peuple