Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/427

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Ces aveux dorment sur ma table depuis quelque temps, mais voici une circonstance singulière, qu’il faut que je vous mande : elle rend ce qui précède plus clair et plus obscur.

Un vieil orfèvre et marchand de bijoux, homme estimé de mon oncle, se présente au château, et nous montre de précieuses antiquités. Cela m’engage à lui montrer la cassette. Il observe la clef brisée, et nous fait voir, ce qu’on n’avait pas remarqué jusqu’alors, que la cassure n’est pas inégale, mais tout unie. Par l’attouchement, les deux parts se réunissent : il retire la clef tout entière ; les deux morceaux sont aimantés ; ils tiennent ensemble solidement, mais ils n’ouvrent que pour les initiés. L’homme se retire à quelque distance : la cassette s’ouvre et il la referme soudain.

« Il n’est pas bon, dit-il, de toucher à de semblables secrets.»

Vous ne pouvez, Dieu merci, vous représenter mon inexplicable situation : en effet, hors de l’égarement, l’égarement peut-il se comprendre ? La mystérieuse cassette est devant moi ; j’ai dans ma main la clef, qui n’ouvre pas : je laisserais volontiers la cassette fermée, si la clef m’ouvrait seulement le plus proche avenir !

Ne vous inquiétez pas un moment de moi, mais je vous en prie, je vous en conjure avec instance, je vous le recommande de toutes mes forces, courez à la recherche de Félix. J’ai vainement envoyé du monde de tous côtés pour découvrir sa trace. Je ne sais si je dois désirer ou craindre le jour qui nous réunira.

Le messager me presse ; il veut partir : on l’a retenu au château assez longtemps. Il est chargé d’importantes dépêches pour les émigrants. Il vous trouvera, j’espère, avec eux, ou bien on lui dira où vous êtes. En attendant votre réponse, je n’aurai point de repos.