Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/464

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mort, si le bruit se faisait encore entendre une seule fois. Dès lors elle parcourut sans trouble toute la maison, et l’on n’entendit plus heurter jamais.

— Ce qui prouve clairement, dit vivement Louise, que la belle enfant était son propre fantôme, et, pour quelque raison,’s’était donné cet amusement et se moquait de ses maîtres.

— Point du tout, reprit Frédéric, car ceux qui attribuaient le phénomène à un esprit croyaient qu’un bon génie voulait, à la vérité, que la jeune fille sortît de la maison, mais ne voulait pas qu’on lui fît aucun mal. D’.autres considéraient la chose de plus près, et soutenaient qu’un des amants avait eu le talent ou l’adresse de produire ce bruit, afin d’obliger la jeune fille à quitter le chiteau pour se jeter dans ses bras. Quoi qu’il en soit, la pauvre enfant dépérit presque entièrement, à la suite de cette aventure, et parut semblable à un spectre, elle qui avait été auparavant fraîche et vive, et la plus joyeuse de toute la maison. Mais ce dépérissement peut s’expliquer aussi de plus d’une manière.

— C’est dommage, dit Charles, qu’on n’approfondisse pas avec soin de pareils incidents, et que, dans l’appréciation d’événements qui nous intéressent si fort, il faille toujours flotter entre diverses vraisemblances, parce qu’on n’a pas observé toutes les circonstances au milieu desquelles arrivent ces prodiges.

— Par malheur, dit le vieillard, il est, en général, très-difficile de faire cet examen et de noter, dans le moment où il arrive quelque chose de pareil, tous les points, toutes les circonstances considérables, afin qu’on ne laisse rien échapper, où l’erreur et la tromperie se puissent cacher. Est-il bien facile de découvrir les ruses d’un escamoteur, quand même nous savons qu’il veut se jouer de nous ? »

A peine le vieillard avait-il cessé de parler, qu’on entendit un fort craquement dans l’angle de la salle. Tout le monde tressaillit, et Charles dit en riant :

« Ce n’est pourtant pas un amant qui trépasse, et qui veut se faire entendre ! »

Il aurait bien voulu reprendre ces paroles, car Louise devint pûle, et avoua qu’elle tremblait pour la vie de son fiancé.

Frédéric, pour la distraire, prit la lumière et s’approcha du