Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/554

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inutile. Elle voulait, à son réveil, retrouver sur-le-champ le fil de ses idées, comme sa plume et son encre.

Arbon, artiste sérieux, qui était arrivé avec Eulalie, fit la guerre à la composition de ce dessin. « Si l’on voulait, dit-il, exprimer cette situation (qu’on lui donne le nom qu’on voudra), il fallait s’y prendre autrement. »

HENRIETTE.

Eh bien, faites-en vite une nouvelle composition.

ARBON.

Commençons par étudier l’objet soigneusement. Que l’on se fasse tenir l’encrier, tandis que l’on écrit, la chose est toute naturelle, quand les circonstances sont telles qu’on ne puisse le poser nulle part. C’est ainsi que la grand’mère de Brantôme tenait l’encrier à la reine de Navarre, lorsque, assise dans sa litière, elle écrivait les contes que nous lisons encore avec tant de plaisir. Qu’une personne, écrivant dans son lit, se fasse tenir l’encrier, cela est convenable encore. Enfin, belle Henriette, vous qui aimez tant à questionner et à conseiller, que devait faire, avant toute chose, l’artiste qui se proposait de traiter ce sujet ?

HENRIETTE.

Il devait supprimer la table ; il devait placer de telle sorte la dame endormie, qu’il ne se trouvât rien près d’elle où poser l’encrier.

ARBON.

Fort bien ! J’aurais représenté cette dame dans un fauteuil rembourré, ce qu’on appelait, je crois, une bergère [1] ; je l’aurais placée auprès d’une cheminée, de sorte qu’on l’aurait vue par devant. On suppose qu’elle écrivait sur ses genoux, car d’ordinaire ceux qui imposent une gêne aux autres se gênent eux-mêmes. Le papier glisse de ses genoux, la plume de sa main ; une jolie fille est auprès d’elle et tient l’encrier avec un air d’ennui.

HENRIETTE.

Fort bien ! Ici nous avons déjà un encrier sur la table ; aussi

  1. C’est l’expression employée par Goethe. Elle pouvait être peu familière à l’artiste allemand.