Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/121

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leurs voisins, fameux par leur mollesse et leur licence, nous font conclure de là qu’ils menaient une vie facile et voluptueuse. Loth habile chez eux, mais à part.

Cependant Hébron et la forêt de Mambré nous apparaissent comme le séjour important où le Seigneur s’entretient avec Abraham et lui promet tout le pays, aussi loin que son regard peut s’étendre aux quatre plages du monde. De ces tranquilles demeures, de ces peuples pasteurs, qui ont commerce avec les dieux, qui les reçoivent comme leurs hôtes et conversent avec eux, nous sommes obligés de porter encore une fois nos regards vers l’Orient et de considérer la constitution des autres peuples, qui dut être en général assez semblable à celle de Chanaan. Les familles se maintiennent, elles se réunissent, et le genre de vie des tribus est déterminé par le lieu qu’elles se sont approprié. Sur les montagnes qui versent leurs eaux dans le Tigre, nous trouvons des peuples guerriers, qui annoncent de très-bonne heure les conquérants et les dominateurs du monde, et nous donnent, dans une campagne prodigieuse pour ces temps reculés, un prélude de leurs exploits futurs. Chodorlahomor, roi d’Élam, exerce déjà une action puissante sur des confédérés ; il règne longtemps, car il avait déjà rendu les peuples tributaires jusqu’au Jourdain, douze ans avant l’arrivée d’Abraham en Chanaan. Enfin ils se révoltèrent et les alliés coururent aux armes. Nous les trouvons tout à coup sur une route qu’Abraham lui-même avait probablement suivie pour se rendre en Chanaan. Les peuples de la rive gauche du bas Jourdain sont subjugués ; Chodorlahomor marche vers le Sud contre les peuples du désert, puis, tournant au Nord, il bat les Amalécites, et, après avoir aussi vaincu les Amorrhéens, il arrive en Chanaan, il surprend les rois de la vallée de Siddim, les bat, les disperse, et remonte le Jourdain avec un butin considérable, pour étendre jusque vers le Liban sa marche victorieuse. Parmi les captifs, emmenés avec leurs richesses, se trouve Loth, qui partage le sort de la contrée où il habile comme étranger. Abraham l’apprend, et soudain le patriarche se montre un guerrier, un héros. Il ramasse ses serviteurs, les partage en plusieurs corps, attaque les lourds bagages des pillards, met en désordre les vainqueurs, qui n’attendaient plus d’ennemis sur leurs derrières, et ramène son frère, avec ses biens et une partie de ceux des rois vaincus. Par cette courte expédition, Abraham prend en quelque sorte possession du pays. Il paraît aux habitants un protecteur, un sauveur, et, par son désintéressement, un roi. Les rois de la vallée le reçoivent avec reconnaissance, et Melchisédech, le roi et le prêtre, avec bénédictions. Alors sont renouvelées les prédictions d’une postérité infinie ; elles sont même toujours plus vastes : de l’Euphrate au fleuve d’Égypte, toutes les terres lui sont promises. Mais il est encore très-pauvre en héritiers immédiats : il est âgé de quatre-vingts ans et n’a point de fils ; Sara, qui se fie moins aux dieux que lui, s’impatiente : elle veut, selon les mœurs de l’Orient, avoir un descendant par sa servante. Mais, à peine Agar est-elle fiancée à son maître, à peine a-t-elle l’espoir d’être mère, que la discorde se montre dans la maison. La femme traite assez mal sa protégée, et Agar s’enfuit pour chercher dans d’autres tribus une meilleure position. Dieu l’avertit, elle revient et met au