Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/133

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ou de dégourmer, laissé tomber sa cravache ou même son chapeau, négligences, accidents, il fallait tout racheter à prix d’argent, et, par-dessus, se voir encore bafoué. Cela me mettait de la plus méchante humeur, d’autant que je trou vais le lieu d’exercice insupportable. Ce vaste local, sale, humide ou poudreux, le froid, l’odeur de remugle, tout me répugnait au plus haut degré, et comme l’écuyer donnait toujours aux autres les meilleurs chevaux, parce qu’ils savaient le gagner peut-être avec des déjeuners ou d’autres cadeaux, peut-être aussi par leur habileté ; comme il me donnait les plus mauvais, me faisait même attendre et paraissait me négliger, je passai des heures pleines d’ennui dans un exercice qui devrait être le plus agréable du monde. J’ai conservé de ce temps et de ces circonstances une impression si vive, que, devenu par la suite un cavalier ardent et téméraire, passant des jours et des semaines à cheval, j’ai toujours eu soin de fuir les manèges couverts, et m’y suis arrêté tout au plus quelques instants. Au reste, il arrive souvent que, si l’on doit nous enseigner les éléments d’un art, réduit en système, on le fait d’une manière pénible et rebutante. Parce qu’on a senti combien cela est fâcheux et nuisible, on a érigé dans, la suite en maxime d’éducation qu’il faut tout enseigner à la jeunesse par une méthode facile, gaie et commode. Mais il en est résulté d’autres maux et d’autres inconvénients.

À l’approche du printemps, on se retrouva chez nous dans un état plus tranquille, et si, auparavant, j’avais cherché à connaître la ville, ses édifices sacrés et profanes, publics et particuliers ; si j’avais pris surtout le plus grand plaisir à ce qui restait encore d’anciennes constructions, je m’appliquai ensuite à me représenter les personnages des temps passés avec la Chronique de Lersner, avec d’autres livres et d’autres documents relatifs à Francfort, qui se trouvaient dans la collection de mon père ; et cela parut me réussir fort bien, par une grande attention à ce qui caractérisait les temps, les mœurs, ainsi que les individualités remarquables. Parmi les restes du passé, j’avais remarqué dès mon enfance le crâne d’un criminel d’État, planté sur la tour du pont ; de trois ou quatre, comme les piques restées nous l’attestaient, il avait résisté, depuis 1616, à tous les orages et à toutes les intempéries. En revenant de Sachsenhausen à