Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/137

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années ; la boite même, qui était assez grande, avait été fabriquée à Hanau ; car mon père était bien avec les orfèvres de cette ville, comme avec les directeurs des magnaneries. On fit pour cet objet plusieurs dessins. Le couvercle était orné d’une corbeille de fleurs, au-dessus de laquelle volait une colombe avec le rameau d’olivier. On avait laissé de la place pour les pierreries, qui devaient être incrustées, les unes auprès de la colombe, les autres à la place où l’on ouvre la boite. Le joaillier auquel fut confiée l’exécution, ainsi que les pierres nécessaires, s’appelait Lautensack ; c’était un homme habile et jovial, qui, à la manière des artistes de génie, faisait rarement le nécessaire, et, d’habitude, ce qui plaisait à sa fantaisie. Il eut bientôt fixé les brillants sur de la cire noire, dans l’ordre où ils devaient l’être sur le couvercle, et ils produisaient un très-bon effet ; mais ils ne voulaient pas sortir de là pour passer sur l’or. Mon père laissa d’abord la chose en cet état ; toutefois, quand les espérances de paix se ranimèrent ; qu’on prétendit en savoir déjà les conditions plus exactement, et, en particulier, l’élection de l’archiduc Joseph comme roi des Romains, l’impatience de mon père augmenta, et je dus me rendre une ou deux fois par semaine, et enfin presque tous les jours, chez l’artiste négligent. Mes importunités et mes sollicitations incessantes firent avancer l’ouvrage, mais assez lentement, parce qu’étant de ceux qu’on pouvait reprendre et quitter tour à tour, il se trouvait toujours quelque chose qui passait devant et le faisait mettre de côté.

Cependant la cause principale de cette conduite était un travail que l’artiste avait entrepris pour son propre compte. Chacun savait que l’empereur François avait un goût prononcé pour les joyaux, et qu’il aimait particulièrement les pierres de couleur. Lautensack avait employé à l’achat de pareilles pierreries une somme considérable et, comme il se trouva plus tard, supérieure à ses moyens, et il avait entrepris d’en faire un bouquet de fleurs, dans lequel chaque pierre devait ressortir favorablement d’après sa forme et sa couleur ; et l’ensemble former une œuvre d’art digne d’être conservée dans le trésor d’un empereur. Il y avait travaillé plusieurs années avec son irrégularité habituelle, et il se hâtait maintenant de l’achever, parce qu’après la paix, qu’on pouvait espérer prochaine, on attendait l’arrivée