Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/158

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avec elle la même liberté, elle reculait et ne revenait pas de sitôt. Cependant elle reprenait souvent cette position, car tous ses gestes et ses mouvements étaient très-uniformes, mais toujours convenables, beaux et charmants. Au reste, je ne l’ai jamais vue prendre cette familiarité avec un autre que moi.

Une des parties de plaisir les plus innocentes pt les plus agréables que je fisse avec différentes sociétés de jeunes gens, était de nous embarquer sur le coche d’Hoechst. Nous observions les singuliers passagers qui s’y entassaient, raillant et persiflant tantôt l’un, tantôt l’autre, selon que nous poussait la gaieté ou la malice. On débarquait d’Hœchst, où arrivait en même temps le coche de Mayence. On trouvait dans une auberge une table bien servie, où les plus aisés de ceux qui montaient ou descendaient la rivière dînaient ensemble ; après quoi, chacun poursuivait sa course, car les deux bateaux s’en retournaient. Après le dîner, nous remontions toujours à Francfort, et nous avions fait ; en très-nombreuse compagnie, une promenade sur l’eau à peu de frais.

Un jour, que j’avais fait cette partie avec les cousins de Marguerite, un jeune homme, qui pouvait être un peu plus ; âgé que nous, se joignit à nous à la table d’Hœchst. Il était de leur connaissance, et il se fit présenter à moi. Ses manières avaient quelque chose de tris-agréable, sans être d’ailleurs distinguées. Arrivé de Mayence, il nous suivit à Francfort, et s’entretint avec moi de sujets très-divers, qui regardaient les affaires intérieures de la ville, les charges et les emplois, en quoi il me parut fort bien instruit. Quand nous nous séparâmes, il se recommanda à moi, ajoutant qu’il désirait que j’eusse bonne opinion de lui, parce qu’il espérait obtenir, le cas échéant, ma recommandation. Je ne savais ce qu’il voulait dire par là, mais les cousins me mirent au fait quelques jours après. Ils me dirent du bien de lui, et me prièrent de le recommander à mon grand-père pour un emploi modeste, alors vacant, et que cet ami désirait obtenir. Je m’excusai d’abord, parce que je ne m’étais jamais mêlé d’affaires pareilles, mais ils me pressèrent si longtemps, que je résolus d’agir. J’avais déjà observé quelquefois que, dans ces nominations, qui, par malheur, sont souvent considérées comme des affaires de faveur, la recommandation