Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/167

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Francfort, tellement qu’il n’y manquait pas même les houppes aux tôles des chevaux isabelles. J’en dirai davantage, si j’arrive à l’époque de cette poésie bizarre par laquelle on croyait rendre plus sensibles et plus frappants les mythes de l’Ancien et du Nouveau Testament, au moyen d’un travestissement tout moderne, et en les habillant d’un vêtement, commun ou distingué, emprunté à la vie actuelle. Comment cette manière avait gagné peu à peu la faveur, c’est ce que j’exposerai en même temps : j’ajouterai seulement que Lavater et ses imitateurs avaient poussé la chose plus loin que personne, car l’un d’eux peignit sous des traits si modernes les trois rois se rendant à Bethléem, que l’on ne pouvait pas y méconnaître les princes et les seigneurs qui avaient coutume de visiter Lavater.

Laissons pour cette fois l’électeur Emmeric-Joseph entrer, pour ainsi dire, incognito dans Compostel, et retournons à Marguerite, que j’aperçus dans la cohue au moment où la foule s’écoulait : elle était avec Pylade et sa fiancée, car ces trois personnes semblaient devenues inséparables. A peine nous étions-nous rejoints et salués, qu’il était déjà convenu que nous passerions la soirée ensemble, et je me trouvai à temps au rendez-vous. La société ordinaire était réunie, et chacun avait quelque chose à conter, à dire, à remarquer, car chacun avait été plus frappé de telle ou telle chose. « Vos paroles, dit à la fin Marguerite, m’étourdissent, je crois, plus encore que les événements des derniers jours. Je ne puis arranger dans ma tête ce que j’ai vu, et je voudrais avoir l’explication de bien des choses. » Je lui répondis qu’il me serait très-facile de lui rendre ce service. Elle n’avait qu’à dire ce qui l’intéressait particulièrement. Elle le fit, et, en voulant lui expliquer certains détails, je trouvai qu’il vaudrait mieux procéder avec ordre. Je comparai assez heureusement ces solennités et ces cérémonies à un spectacle où le rideau se baisserait à volonté, tandis que les acteurs continueraient de jouer, puis serait relevé, si bien que le spectateur pourrait de nouveau prendre quelque part à ces débats. Comme j’étais très-causeur, quand on me laissait aller, je contai dans le meilleur ordre tout ce qui s’était passé depuis le commencement jusqu’à ce jour, et, afin de rendre mon exposition plus claire, je n’oubliai pas de recourir à la touche