Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/174

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aurions-nous quitté nos fenêtres, si nous n’avions pas voulu voir encore nos magistrats, qui fermaient la marche dans quinze voitures à deux chevaux, et surtout, dans la dernière, le secrétaire du sénat, avec les clefs de la ville sur un coussin de velours rouge. Il nous parut aussi fort honorable que la marche fût fermée par notre compagnie de grenadiers de la ville, et ce jour solennel nous causa une grande joie, à double titre. comme Allemands et comme bourgeois de Francfort.

Nous avions pris place dans une maison devant laquelle le cortège devait repasser, lorsqu’il reviendrait de la cathédrale. Le service divin, la musique, les cérémonies et les solennités, les harangues et les réponses, les exposés et les lectures dans l’église, le chœur et le conclave durèrent si longtemps, jusqu’au moment où fut jurée la capitulation électorale, que nous eûmes tout le temps de faire une excellente collation, et de vider mainte bouteille à la santé du vieux et du jeune souverain. Cependant, comme il arrive en pareille circonstance, la conversation s’égara dans le passé, et il ne manqua pas de personnes âgées qui donnèrent au passé la préférence sur le présent, du moins au point de vue d’un certain intérêt humain et d’une sympathie passionnée qui avaient régné dans les anciennes fêtes. Au couronnement de François Ier. tout n’était pas aussi réglé que maintenant ; la paix n’était pas encore conclue ; la France, le Brandebourg et le Palatinat s’opposaient à l’élection ; les troupes du futur empereur étaient près de Heidelberg, où il avait son quartier général, et, dans le trajet d’Aix-la-Chapelle à Francfort, les insignes impériaux avaient failli être enlevés par les Palatins. Cependant on négociait encore, et, de part et d’autre, on ne prenait plus la guerre au sérieux. Marie-Thérèse elle-même, quoique enceinte, vient pour voir en personne célébrer enfin le couronnement de son époux. Elle arrive a Aschaffenbourg, et monte dans un yacht pour se rendre à Francfort. François part de Heidelberg ; il espère rencontrer son épouse, mais il arrive trop tard, elle est déjà partie. Il se jette incognito dans une nacelle, il fait force de rames, il atteint sa barque, et le couple fidèle goûte la joie de cette rencontre soudaine. La nouvelle en est aussitôt répandue, et tout le monde sympathise avec ce tendre couple, favorisé de nom-