Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/179

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paraissais importun ou rechigné, selon que les gens m’attiraient ou me repoussaient ; aussi disait-on que je promettais beaucoup, mais que j’étais bizarre.

Enfin arriva le jour du couronnement (3 avril 1764). Le temps était favorable, et tout le monde était en mouvement. On m’avait assigné, avec plusieurs parents et amis, dans le Rœmer même, à l’un des étages supérieurs, une bonne place, d’où nous pouvions voir l’ensemble parfaitement. Nous nous y rendîmes de grand matin, et nous vîmes de ce lieu élevé, comme à vol d’oiseau, les préparatifs que nous avions observés de près la veille. Ici, c’était la fontaine jaillissante, nouvellement construite, avec deux grands bassins à droite et à gauche, dans lesquels l’aigle double, posé sur le tuyau, devait verser par ses deux becs, d’un côté, du vin rouge, de l’autre, du vin blanc. Là, c’était un monceau d’avoine ; plus loin, la grande baraque de planches, dans laquelle, depuis plusieurs jours, on faisait rôtir à petit feu, à une broche énorme, le bœuf gras tout entier. Tous les passages qui mènent du Rœmer au dehors et des autres rues au Rœmer étaient barricadés aux deux bouts et gardés. La grande place se remplissait peu à peu, la foule ondoyante était toujours plus forte et plus animée, car la multitude cherchait toujours à se porter du côté où paraissait quelque nouveau spectacle, et où l’on annonçait quelque chose de curieux. Cependant il régnait assez de silence, et, quand on sonna le bourdon, tout le peuple sembla saisi de frayeur et d’étonnement. Ce qui excita d’abord l’attention de tous ceux dont les regards dominaient la place, fut le cortège, dans lequel les seigneurs d’Aix-la-Chapelle et de Nuremberg portaient à la cathédrale les joyaux de l’Empire. Ces joyaux, comme palladium, occupaient le fond de la voiture, et les députés étaient assis en face, dans une attitude respectueuse. Les trois électeurs se rendent à la cathédrale. Les insignes sont présentés à l’électeur de Mayence, et l’on porte aussitôt la couronne et le glaive au quartier de l’empereur. Les autres préparatifs et diverses cérémonies occupent, en attendant, les principaux personnages, comme les spectateurs, dans l’église, ainsi que nous pouvions nous le figurer, nous qui savions les choses.

Cependant nous voyons les ambassadeurs arriver en voiture