Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/215

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avoir les jambes croches, ce qu’on lui accordait, parce qu’il le voulait ainsi, et c’était, encore une source de plaisanteries ; en effet, comme on le recherchait en qualité d’excellent danseur, il rangeait parmi les singularités des dames, qu’elles voulaient voir toujours à la danse les jambes croches. Sa gaieté était intarissable, et sa présence, indispensable à nos réunions. Je me liai avec lui d’autant plus étroitement, qu’il devait me suivre à l’université, et il mérite bien que je parle de lui en termes honorables, car il m’a témoigné, pendant nombre d’années, une complaisance, un attachement, une fidélité sans bornes.

Séduit par ma facilité à rimer et à démêler dans les choses communes un côté poétique, il s’était laissé entraîner à faire des essais du même genre. Nos petits voyages de société, nos parties de plaisir et leurs incidents divers recevaient de nous un habillement poétique, et la description d’une aventure amenait toujours une aventure nouvelle. Cependant, comme ces badinages de société tournaient d’ordinaire à la raillerie, et que l’ami Horn, avec ses peintures burlesques, ne restait pas toujours dans les limites convenables, cela causait quelques fâcheries, mais qui étaient bientôt apaisées. Il s’essaya aussi dans un genre de poésie, alors fort à la mode, le poëme héroï-comique. La Boucle de cheveux enlevée, de Pope, avait produit beaucoup d’imitations ; Zacharie cultivait ce genre de poésie sur le sol allemand, et il plaisait à chacun, parce que l’objet ordinaire était un lourdaud que les génies bafouaient pour favoriser l’homme de mérite.

Ce n’est point une chose étonnante, mais on s’étonne pourtant de voir, quand on observe une littérature, et particulièrement la littérature allemande, comme toute une nation, quand un sujet une fois donné a été heureusement traité dans une certaine forme, ne peut plus y renoncer et veut le reproduire de toute façon ; si bien qu’à la fin l’œuvre originale est elle-même étouffée et enfouie sous la masse des imitations. L’épopée badine de mon ami était une pièce à l’appui de cette observation. Dans une grande partie de traîneaux, un sot est le chevalier d’une dame qui ne peut le souffrir ; il éprouve, d’une manière assez drôle, accident sur accident, comme cela peut arriver en pareille circonstance, jusqu’à ce qu’enfin,