Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/247

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les gens d’esprit et de goût des amis et des partisans à la religion et à la morale, qui y touche de si près, en donnant à leurs prédications et à leurs traités le charme d’un bon style. Une manière agréable d’écrire commençait à devenir absolument nécessaire, et, comme la clarté en est la première condition, il parut en divers lieux des auteurs qui essayèrent d’écrire, pour les connaisseurs aussi bien que pour la foule, d’une manière claire, distincte et intéressante, sur leurs études et leurs métiers.

À l’exemple d’un étranger, Tissot[1], les médecins commencèrent d’agir avec zèle sur la culture générale ; Haller, Unzer, Zimmermann, eurent une très-grande influence, et, quoi qu’on puisse dire en détail contre eux, surtout contre le dernier, ils exercèrent en leur temps une action très-prononcée. Et l’histoire, mais surtout la biographie, devrait en faire mention ; car ce n’est pas tant pour avoir laissé quelques ouvrages que pour avoir agi et vécu et porté les autres à agir et à vivre, qu’un homme reste marquant.

Les jurisconsultes, accoutumés dès leur jeunesse à un style abstrus, qui se maintenait de la manière la plus baroque dans toutes les expéditions, depuis la chancellerie du seigneur lige jusqu’à la diète de Ratisbonne, ne s’élevèrent qu’avec peine à une certaine liberté, d’autant que les sujets qu’ils avaient à traiter se liaient intimement avec la forme extérieure et par conséquent avec le style. Cependant de Moser jeune s’était déjà montré un libre et original écrivain ; et Poutter, par la clarté de son exposition, avait aussi répandu la clarté dans son sujet et dans le style avec lequel on devait le traiter. Tout ce qui sortit de son école se distingua par ce mérite. Alors les philosophes se trouvèrent eux-mêmes obligés, pour être populaires, d’écrire d’une manière claire et intelligible. Mendelssohn et Garve parurent, et ils excitèrent une approbation et une admiration générales.

Avec la culture de la langue allemande et du style, dans toutes les branches, se développa aussi la critique, et nous admirons les jugements portés à cette époque sur des matières religieuses et morales, comme aussi sur des matières médicales : et, en revanche, nous trouverons, sinon misérables, du moins très-faibles, les jugements portés sur les poésies et sur tout ce qui se rapporte aux belles-lettres. C’est ce qu’on peut dire même des Lettres littéraires, de la Bibliothèque générale allemande, tout comme de la Bibliothèque des belles-lettres, et il serait bien facile d’en citer des exemples frappants.

Au milieu de la confusion générale, tout homme qui songeait à produire quelque chose, qui ne voulait pas se réduire à copier ses devanciers, n’avait plus qu’à se pourvoir tôt ou tard d’un sujet, qu’il s’attacherait à mettre en œuvre. À cet égard encore, nous étions bien fourvoyés. On rapportait un mot de Kleist, que nous entendions répéter assez souvent. À ceux qui blâmaient ses fréquentes promenades solitaires, il avait fait cette réponse plaisante, spirituelle et vraie, qu’il n’y était pas oisif, qu’il allait à la chasse aux images. Cette comparaison convenait à un gentilhomme, à un soldat, lequel se plaçait ainsi en regard des hommes

  1. De Lausanne.