Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/274

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énormes dépenses, puis du goût de son successeur pour les arts et les collections, du’comte de Bruhl et de son faste sans bornes, dont quelques traits semblaient presque fous ; de toutes ces fêtes et ces divertissements somptueux auxquels l’invasion de Frédéric en Saxe avait mis fin brusquement. Maintenant les résidences royales étaient ravagées, les magnificences de Bruhl étaient anéanties, et, de tout cela, il ne restait plus qu’un beau pays dévasté.

Comme il me voyait surpris de ces voluptés insensées et troublé des maux qui les avaient suivies, et me faisait observer qu’on demandait justement à un homme expérimenté de ne s’étonner ni d’une chose ni de l’autre, et de ne pas y prendre un trop vif intérêt, je sentis un grand plaisir à demeurer quelque temps encore dans mon inexpérience ; à quoi il m’encouragea lui-même, me conjurant de m’en tenir jusqu’à nouvel ordre aux expériences agréables, et de fuir, autant qu’il se pourrait, les désagréables, quand elles voudraient s’imposer à moi. Mais, un jour, que notre conversation retomba sur l’expérience en général, et que je rapportai à l’officier le propos burlesque de mon ami Behrisch, il secoua la tête en souriant, et dit : « Voilà ce qu’il en est des paroles, aussitôt qu’elles sont une fois prononcées ! Elles sonnent si drôlement, même si follement, qu’il semblerait presque impossible d’y mettre un sens raisonnable, et pourtant on pourrait l’essayer. » Et comme je le pressais, il me répondit avec son air sage et riant : « Si vous voulez bien que, pour commenter et compléter votre ami, je poursuive à sa manière, il a voulu dire, ce me semble, que l’expérience consiste uniquement à faire l’épreuve de ce qu’on voudrait ne pas éprouver : c’est à cela du moins que dans ce monde les choses aboutissent le plus souvent. »




LIVRE III.

Un autre homme, bien différent de Behrisch, pouvait néanmoins, dans un certain sens, lui être comparé : c’est Œser que