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ne manquaient pas de nous porter et de nous mener dans ces endroits dès notre âge le plus tendre, si bien que ces fêtes champêtres sont au nombre de mes plus anciens souvenirs.

Cependant la maison avait été achevée, et en assez peu de temps, parce qu’on avait tout combiné et préparé soigneusement, et qu’on avait mis en réserve les fonds nécessaires. Nous étions de nouveau réunis et nous éprouvions un sentiment de bien-être : car un plan bien raisonné, une fois qu’il est exécuté, fait oublier tout ce que les moyens de parvenir à ce but ont pu avoir d’incommode. La maison était assez spacieuse pour une habitation particulière, tout à fait claire et gaie ; l’escalier était dégagé, les antichambres agréables, et, de plusieurs fenêtres, on jouissait commodément de la vue sur les jardins. Les constructions intérieures et ce qui regarde l’achèvement et la décoration furent exécutés peu à peu, et servirent à la fois d’occupation et d’amusement. On commença par mettre en ordre la bibliothèque de mon père. Les livres les meilleurs, à reliure ou demi-reliure en veau, décorèrent les murs de son cabinet de travail et d’étude. Il possédait de belles éditions hollandaises des auteurs latins, que, pour la symétrie, il cherchait à se procurer toutes in-quarto ; puis beaucoup de choses qui avaient rapport aux antiquités romaines et à la jurisprudence élégante. Les plus excellents poètes italiens n’y manquaient pas, et mon père montrait pour le Tasse une grande prédilection. Là se trouvaient aussi les relations de voyage les meilleures et les plus récentes, et il se faisait lui-même un plaisir de corriger et de compléter Keyssler et Nemeitz. Il avait aussi sur ses rayons les secours les plus nécessaires, les dictionnaires de différentes langues, les lexiques des arts et métiers, en sorte qu’on pouvait consulter à volonté. Ajoutez à cela bien d’autres ouvrages utiles ou agréables.

L’autre moitié de cette bibliothèque, proprement reliée en parchemin, avec des titres d’une très-belle écriture, fut établie dans une mansarde particulière. Mon père veillait avec beaucoup d’ordre et de suite à se procurer toujours de nouveaux livres et à prendre les soins qu’exigeaient la reliure et le classement. Les savantes annonces qui attribuaient à tel ou tel ouvrage des mérites particuliers avaient sur lui une grande in-