Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/308

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paraissait une écriture parfaitement régulière, comme celle de mes compositions de concours. Je passai de l’étonnement à la reconnaissance envers le bon Gellert, car je me souvins alors qu’avec son langage affectueux, il nous faisait un devoir sacré de soigner notre écriture, plus encore que notre style, dans les exercices que nous lui présentions. Il répétait cette exhortation aussi souvent qu’une écriture griffonnée et négligée lui passait sous les yeux : sur quoi, il déclara souvent qu’il regardait la belle écriture de ses élèves comme un objet essentiel de son enseignement, d’autant plus qu’il avait remarqué maintes fois qu’une bonne écriture amène avec elle un bon style.

Je pus aussi observer que, dans mes lettres, les passages écrits en français et en anglais, s’ils n’étaient pas sans fautes, étaient du moins d’une écriture facile et courante. J’avais continué de pratiquer ces langues dans ma correspondance avec George Schlosser, qui était toujours à Treptow, et avec qui je n’avais pas cessé d’être en liaison. Cette correspondance m’apprenait à connaître le monde, car les choses n’allèrent pas constamment pour Schlosser comme il l’avait espéré, et sa manière de penser noble et sérieuse m’inspira une confiance toujours plus grande.

Une autre observation, qui ne pouvait m’échapper, à la lecture de ces lettres, c’est qu’avec les meilleures intentions, mon bon père m’avait fait un tort particulier, et m’avait fait contracter les singulières habitudes dans lesquelles il était tombé lui-même. Il m’avait fréquemment déconseillé les jeux de cartes. Cependant Mme Boehme, tant qu’elle vécut, sut me faire adopter son sentiment, disant que mon père n’avait en vue que l’abus. Comme d’ailleurs je voyais fort bien les avantages de la chose dans le monde, je me laissai gouverner par elle. J’avais l’intelligence du jeu, mais je n’en avais pas l’esprit ; j’apprenais tous les jeux aisément et vite, mais je ne pouvais jamais y donner pendant toute une soirée l’attention convenable. Si donc je commençais fort bien, je finissais toujours par faire des fautes, qui entraînaient pour mes associés et pour moi la perte de la partie, et je passais au souper, ou je me retirais de l’assemblée, l’esprit toujours chagrin. Aussitôt après